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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

habitant dont ils croient avoir à se plaindre. Cet état de demi-sécurité tient les Akala-Gouzaïe en alerte continuelle ; ils ne cultivent la terre que dans la mesure approximative de leurs besoins, et, malgré leur peu d’efforts, ils ont souvent d’abondantes récoltes ; mais des années de sécheresse ou le passage des sauterelles les réduisent quelquefois à émigrer en grand nombre. Ils élèvent des chèvres, des moutons et des bœufs, qu’ils confient annuellement aux pasteurs Sahos pour faire profiter leurs troupeaux de l’alternation fréquente des saisons ; et, malgré ce besoin qu’ils ont des services des tribus Sahos, ils font souvent contre elles des expéditions dans lesquelles leur courage tenace se manifeste avec cette supériorité que les populations des pays deugas ont souvent sur celles des pays kouallas. Toutes ces circonstances faisaient du Bahar Negach un des hommes les plus importants de cette frontière, quoique son titre de roi de la mer n’ait plus qu’une signification dérisoire depuis que l’Éthiopie n’exerce plus d’action au dehors. Jadis, lorsque des églises chrétiennes s’élevaient jusqu’aux bords éthiopiens de la mer Rouge, et que les flottes de l’Éthiopie transportaient ses armées dans l’Arabie où sa domination était établie, la fonction de Bahar Negach était une des principales de l’Empire : il était chargé du transport et de l’entretien des troupes qui allaient annuellement relever les garnisons que les empereurs tenaient dans l’Yémen ; 40,000 hommes, dit-on, étaient affectés à ce service. Le Bahar Negach était, en outre, tenu d’héberger pendant quatorze jours l’armée de retour, afin de la remettre des fatigues de la mer.

Mais si l’on se détourne de ces lointains embrumés de l’histoire pour considérer l’état présent du pays, on