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DOUZE ANS DE SÉJOUR

pendant sept mois de l’année, Berberah reste complètement désert. Les principales provenances qui alimentent cette foire sont : des esclaves, des bœufs, des moutons, de la myrrhe, du café, de l’or (en petite quantité), du civet, de l’ivoire, de la gomme, quelques peaux, de l’encens, du cardamôme et du beurre fondu. Les importations sont : des étoffes de coton de l’Inde et de la Perse, du cuivre, de l’antimoine et surtout de l’argent. Les Somaulis, peuple pastoral, ont peu de besoins, mais ils sont attirés à Berberah par l’espoir d’exploiter les trafiquants. Tout étranger, dût-il ne rester qu’un jour à Berberah, est obligé de choisir parmi les Somaulis un abbane ou protecteur, à qui il doit faire un cadeau en argent ou en nature. Cet abbane le protége contre les avanies, répond de sa personne, de ses biens et de sa conduite, préside à ses ventes et achats, sur lesquels il perçoit de petits profits ; il lui sert d’arbitre dans ses contestations, et il est arrivé souvent qu’il se soit fait tuer plutôt que de le laisser molester.

Je trouvai mon frère encore souffrant ; l’état de sa vue lui ayant fait craindre au Caire de ne plus pouvoir écrire, il s’était adjoint comme secrétaire un jeune Anglais. Il me désigna un abbane qui, selon la coutume, m’envoya un mouton et divers mets préparés, en échange desquels je lui fis le cadeau habituel, qui rappelle les xénies en usage dans la Grèce ancienne. En débarquant, j’avais cru sentir que les indigènes me regardaient de mauvais œil, et tous les détails que mon frère me donna sur son séjour me confirmèrent dans cette opinion. Il m’apprit que peu avant mon arrivée, sur le bruit répandu à Berberah que le capitaine Heines serait bien aise qu’on attentât à sa sûreté, son abbane l’avait engagé à écrire au capi-