Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/235

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comme s’il eût dit clairement : Est-ce qu’il ne nous est pas permis d’avoir et de mener avec nous, dans notre prédication, un cortège de saintes femmes comme les Apôtres, aux besoins desquels elles pourvoyaient de leurs biens ? Ce qui a fait dire à saint Augustin, dans son livre du Travail des moines : « Pour cela, ils avaient de saintes femmes, riches des choses de ce monde, qui allaient avec eux, les nourrissaient de leurs biens et ne les laissaient manquer d’aucune des choses nécessaires à la vie ; » et encore : « Que quiconque se refuse à croire que les Apôtres permissent à de saintes femmes de les accompagner partout où ils prêchaient l’Évangile, lise l’Évangile, et il reconnaîtra qu’ils agissaient ainsi à l’exemple du Seigneur ; car il est écrit dans l’Évangile : « Jésus, dès lors, allait dans les villes et les bourgades, annonçant le règne de Dieu, et douze hommes étaient avec lui et aussi quelques femmes, qui avaient été guéries d’esprits immondes et d’infirmités, Marie, surnommée Madeleine, et Jeanne, femme de Cuza, intendant d’Hérode, et Suzanne et beaucoup d’autres, qui l’aidaient de leurs biens. » Ce qui prouve que le Seigneur lui-même, dans sa mission temporelle, a été assisté par des femmes, et qu’elles étaient attachées à lui et aux Apôtres comme des compagnes inséparables. »

Enfin le goût de la vie religieuse s’étant, dès la naissance de l’Église, répandu chez les femmes comme chez les hommes, elles eurent, comme eux, des couvents particuliers. L’Histoire ecclésiastique rapportant l’éloge que Philon, ce juif si éloquent, ne s’est pas borné à faire, mais qu’il a écrit en termes magnifiques, de la grandeur de l’Église d’Alexandrie sous saint Marc, ajoute, au chapitre xvi du IIe livre : « Il y a dans le monde beaucoup d’hommes de cette sorte ; » et quelques lignes après : « dans chacun de ces lieux-là se trouvent des maisons consacrées à la prière, qu’on appelle monastères ; » puis plus bas : « et non seulement ils comprennent les anciens hymnes les plus subtils, mais ils en composent de nouveaux en l’honneur de Dieu, qu’ils chantent en toutes sortes de modes et de mesures, avec une mélodie grave et qui n’est pas sans charme. » Dans le même endroit, après avoir parlé de leur abstinence et des saints offices de leur culte, il ajoute : « Avec les hommes dont je parle il y a aussi des femmes, parmi lesquelles se trouvent nombre de vierges déjà fort âgées qui ont conservé leur pureté sans tache et leur chasteté, non par force, mais par pieux zèle, et qui, dans leur ardeur pour l’étude de la sagesse, se consacrent corps et âme à Dieu, regardant comme indigne de livrer au plaisir un vase préparé pour recevoir la sagesse, et d’enfanter pour la mort quand on aspire au sacré et immortel commerce du Verbe divin et à une postérité qui ne doit point être soumise à la corruption de la nature mortelle. » Le même Philon dit encore, au sujet des congrégations : « Les hommes et les femmes vivent séparément dans les monas-