Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
LETTRES D’ABÉLARD ET D’HÉLOÏSE.

fait-il entendre que ce qu’il veut surtout, c’est qu’elle étanche sa soif pour le salut des femmes. Il appelle cette boisson nourriture. J’ai à manger, dit-il, une nourriture que vous ne connaissez pas, et il donne l’explication de cette nourriture, en disant : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père, » désignant par là que la volonté particulière de son Père, c’est de travailler au salut du sexe le plus faible.

Nous lisons dans la sainte Écriture que le Seigneur eut aussi un entretien familier avec Nicodème, le chef des Juifs, qu’il le reçut même secrètement et qu’il l’éclaira sur son salut ; mais Nicodème n’en recueillit pas sur-le-champ un si grand fruit. La Samaritaine, au contraire, fut aussitôt remplie du don de prophétie, et elle annonça la venue du Christ non-seulement chez les Juifs, mais chez les Gentils, en disant : « Je sais que le Messie qui s’appelle Christ, va venir, et lorsqu’il sera venu, il nous annoncera tout. » Et, sur ces paroles, nombre de personnes coururent vers le Christ, crurent en lui et le retinrent deux jours, lui qui, cependant, dit ailleurs à ses disciples : « Éloignez-vous de la voie des Gentils, n’entrez pas dans la ville des Samaritains. »

Saint Jean rapporte bien que Philippe et André annoncèrent à Jésus-Christ que plusieurs Gentils, qui étaient montés à Jérusalem pour célébrer un jour de fête, désiraient le voir ; mais il ne dit pas qu’il les ait reçus ni qu’il leur ait accordé, sur leur prière, une grâce aussi considérable que celle qu’il a faite à la Samaritaine, qui ne demandait rien de pareil. C’est par elle qu’il commence sa prédication chez les Gentils ; non-seulement il la convertit elle-même, mais, par elle, il gagne une foule de prosélytes. Les Mages, à peine éclairés par l’étoile et convertis, attirèrent à Jésus-Christ, dit-on, un grand nombre d’hommes par leur enseignement et leurs exhortations ; mais seuls ils l’approchèrent. Quelle autorité Jésus-Christ ne donna-t-il donc pas à la Samaritaine parmi les Gentils, à la Samaritaine qui annonça sa venue, et, prêchant ce qu’elle avait entendu, fit en si peu de temps, dans ceux de son peuple, une si riche moisson !

Feuilletons l’Ancien Testament et l’Évangile ; nous trouverons que les grâces de résurrection les plus éclatantes ont été accordées à des femmes, et que les miracles ont été accomplis sinon pour elles, au moins sur leur prière. Élie et Élisée ressuscitèrent des enfants à la sollicitation de leur mère ; et c’est à des femmes que le Seigneur lui-même, en ressuscitant le fils d’une veuve, la fille du chef de la synagogue et Lazare, sur la demande de ses sœurs, a fait la faveur de ce grand miracle. Aussi l’Apôtre, dans son Épître aux Hébreux, dit-il : « Les femmes ont recouvré leurs morts par la résurrection. » En effet, cette jeune fille ressuscitée recouvra son propre corps, et les autres femmes eurent la consolation de voir revivre