Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/269

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ceux dont elles pleuraient la mort. Ce qui prouve encore quelle grâce le Seigneur a toujours accordée aux femmes : il les comble de joie d’abord, en les ressuscitant elles-mêmes, elles et ceux qui leur étaient chers, puis il les rend les premières, par un insigne privilège, témoins de sa propre résurrection. Ce privilége, les femmes l’ont mérité peut-être par la tendresse de la compassion qu’elles témoignèrent au Seigneur, au milieu d’un peuple de persécuteurs. Car, ainsi que Luc le rappelle, tandis que les hommes le conduisaient pour le crucifier, les femmes le suivaient, pleurant sur son sort et se lamentant. Et lui, se retournant vers elles, et comme si, à l’article de la mort, il eût voulu reconnaître leur pieux dévouement par sa miséricorde, il leur prédit les malheurs de l’avenir, afin qu’elles pussent s’en garantir. « Filles de Jérusalem, dit-il, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous et sur vos fils ; car voici que les jours viendront dans lesquels on dira : heureuses les femmes stériles, heureuses les entrailles qui n’ont point enfanté ! »

Saint Mathieu rapporte que la femme du juge inique qui l’avait condamné s’était employée avec zèle à le délivrer. « Tandis qu’il siégeait sur son tribunal, sa femme envoya lui dire : ne vous mêlez en rien de l’affaire de ce juste, car j’ai été aujourd’hui étrangement tourmentée par une vision à cause de lui. » C’est encore une femme qui, tandis qu’il prêchait, seule, du milieu de la foule, éleva la voix pour entonner sa louange et s’écrier : « Bienheureux le sein qui l’a porté, bienheureuses les mamelles qui l’ont nourri ! » Par quoi elle mérita que, blâmant doucement ce pieux élan de foi, bien qu’il fût fondé sur une vérité, il répondit aussitôt : « Dites plutôt : bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent fidèlement ! »

Seul, entre tous ses Apôtres, saint Jean obtint le privilége d’être appelé le bien-aimé. Et ce même Jean dit de Marthe et de Marie : « Jésus chérissait Marthe, Marie, sa sœur, et Lazare. » Le même Apôtre, qui seul jouit du privilége d’être le bien-aimé du Seigneur, ainsi qu’il le rappelle, accorde à des femmes l’honneur de ce même privilège qu’il ne reconnaît à aucun autre Apôtre. Et s’il y associe le frère de ces femmes, il les nomme avant lui, comme étant les premières dans l’amour du Seigneur.


Je veux, revenant aux femmes chrétiennes, publier en admirant et admirer en publiant les effets que la miséricorde divine a accomplis jusque dans des filles publiquement vouées à la prostitution. Est-il rien de plus abject que la conduite de Marie-Madeleine et de Marthe l’Égyptienne dans leur première vie ? et en est-il que la grâce divine ait élevées, après leur conversion, à un plus haut degré d’honneur et de mérite ? L’une, nous l’avons dit, ne quitte plus la communauté des Apôtres ; l’autre, ainsi qu’il est écrit, déploie une vertu surhumaine dans les épreuves des anachorètes ; en sorte que le courage