QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉURD. 443
NEUVIÈME QUESTION D’HÉLOlSE.
Le Seigneur, selon saint Mathieu, envoya le lépreux qu’il avait guéri eu le touchant, au tribunal du grand-prêtre, et l’invita à offrir ce que la loi ordonne aux lépreux d’offrir. Nous nous demandons, à ce propos, comment il se fait que Dieu ait, en cela, violé à la fois et observé la loi. En effet, il a touché le lépreux, ce que la loi interdit, et il l’a envoyé guéri au grand- prêtre, pour faire son offrande, ce que la loi prescrit.
Réponte d’Abélard.
Ainsi que le Seigneur l’a dit en ces termes : t Jusqu’à Jean, la Loi et les prophètes ; » c’est-à-dire jusqu’au temps de l’amour, les règles de la Loi et des prophètes durent être accomplies à la lettre. Le Seigneur ne viole donc en rien la Loi ; — la Loi à laquelle nul n’est contraint d’obéir que par l’ordre de Dieu, — si l’on réfléchit surtout qu’elle a été placée entre ses mains comme entre les mains d’un médiateur, suivant la parole de l’Apôtre, c’est- à-dire remise en son pouvoir, en sorte que celui qui l’avait instituée pour un temps la fit cesser, dès qu’il le jugerait nécessaire ; c’est-à-dire, le mo- ment étant venu où la perfection de la charité permettrait à la crainte de faire place à l’amour. Or, il appartient au temps de l’amour de témoigner à tous des sentiments de miséricorde ; d’exciter, par l’exemple, à la piété tous ceux que l’on peut, et de ne rien considérer, de ne rien fuir comme immonde parmi les hommes, hormis le péché. Dieu donc a exercé sa misé- ricorde envers le lépreux, en ne dédaignant pas de le toucher malgré la maladie de son corps, et en même temps il lui a prescrit de faire ce sans quoi il n’aurait pu être reçu dans la société des hommes. C’est pour cela qu’il l’a renvoyé au grand-prêtre, pour être soumis à son tribunal et accom- plir le sacrifice de la Loi.
DIXIÈME QUESTION d’hÉLOÏSB.
Que signifie, dans l’évangile de Luc, rc qu’Abraham dit au riche con- damné : « Et pour tout cela, une haute montagne a été élevée entre nous et vous, en sorte que ceux qui voudraient passer et traverser chez vous ne le puissent pas ? » Comment, en effet, se trouverait-il des hommes assez aveugles pour vouloir passer du rafraîchissement d’un si grand repos aux supplices des damnés ? Peuvent-ils avoir la pensée de rendre quelque service à ceux qu’ils voient absolument écartés par la miséricorde de Dieu ?
Réponse (TÂbélard.
Abraham, dans le sein duquel Lazare a été reçu, figure Dieu, qui reçoit ses fidèles passant des misères de cette vie au rafraîchissement de la vie