Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 447

poir de la réparation, plus grande, au contraire, était la crainte de l’aggra- vation, plus l’amendement excite de joie lorsqu’il se produit. La satisfaction de la réparation est eu rapport avec le tourment de la faute. Quant aux justes que nous savons dans la voie du bien, nous y faisons d’autant moins d’attention que nous sommes plus tranquilles. Leur vertu ne nous en- flamme donc pas de la même joie que la conversion d’un pécheur, laquelle paraissait si difficile. Ce n’est pas à dire pour cela que le repentir des uns vaille mieux que la vertu sans tache des autres. Mais on éprouve plus de satisfaction quand arrive une chose qu’on avait craint de ne pas voir arriver. Ces mots : « Il y aura plus de joie dans le ciel, » s’entendent de la joie de la présente église des fidèles, à laquelle le Seigneur donne quelquefois le nom de royaume des cieux.

DOUZIÈME QUESTION d’HKLOÏSB.

11 y a aussi quelques difficultés pour nous dans ce que nous lisons dans saint Mathieu sur les ouvriers envoyés dans la vigne ; ouvriers dont les pre- miers paraissent avoir porté envie aux derniers et murmuré contre le père de famille, au point de mériter cette réponse : i Ton œil est-il mauvais parce le mien est bon ? » Dans la vie future, en effet, telle est la part assurée aux bienheureux, que nul n’aura à désirer plus qu’il ne recevra. Telle sera la charité de tous, que chacun aimera le bien d’autrui comme le sien propre, que personne ne pourra avoir une pensée contraire à celle du Seigneur, ni ressentir contre qui que ce soit le mal de l’envie, ni avoir l’œil mauvais ; cela surtout, quand l’envie est pour ceux qui en souffrent une telle cause de torture que le poète a dit : « Que les tyrans de Sicile ne trouvèrent pas de plus grand supplice, » et ailleurs « : L’envieux maigrit en voyant autrui s’engraisser. »

Réponse d’Abélard.

11 faut savoir que toute parabole a moins pour but d’exprimer exactement une vérité que de la faire concevoir par une image, et d’appuyer le témoi- gnage de la vérité d’une comparaison comme preuve. Quand on dit, au sujet du riche et de Lazare, ce qu’on pourrait dire de bien d’autres, que l’âme de l’un est sauvée, l’autre damnée, il ne faut pas prendre à la lettre ces mots du riche à Abraham : « Envoyez Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt et rafraîchisse ma langue. » Les âmes, en effet, n’ont ni doigt, ni lan- gue ; c’est le fait des corps. Ce qui est dit là ne doit donc pas être pris au pied de la lettre comme exactement vrai ; ce n’est qu’une manière de faire en- tendre la vérité. De même, en ce passage, quand on dit que quelques-uns murmurent et s’indignent que la part des autres soit égale à la leur, il