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QUESTIONS d’Héloïse ET RÉPONSES D’ABÊURD. 451

dans l’éternité ; et cela, parce qu’ils disaient : il est possédé du démon. • Saint Luc, de son côté, rapporte que le Seigneur dit : c Quiconque m’aura reconnu devant les hommes, le Fils de l’homme le reconnaîtra devant les anges de Dieu. Celui qui me reniera devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu. Tous ceux qui parlent contre le Fils de l’homme, leur péché leur sera remis ; mais il ne sera pas remis à celui qui blasphémera contre le Saint-Esprit. »

Ces textes posés, il faut commencer par définir ce que c’est que le blas- phème envers le Fils de l’homme, et ce que c’est que le péché de blasphème envers le Saint-Esprit. Or, autant que j’en puis juger, celui-là pèche et blasphème contre le Fils de l’homme qui rabaisse le Christ et nie sa divi- nité, moins par malice que par erreur, se fondant sur la faiblesse de l’huma- nité que le Christ a revêtue. C’est ce que le Seigneur veut dire, quand il dit : le Fils de l’homme plutôt que le Fils de Dieu, forme de langage d’où il résulte, qu’eu égard à l’infirmité de la nature humaine, qu’il a puisée dans le sein de sa mère, on ne croit pas qu’il «ait en lui la force d’un Dieu. Ce péché, dont l’origine est dans une sorte d’ignorance insurmontable, pa- rait très-digne d’excuse : car ce n’est pas par les raisonnements humains, c’est par l’inspiration de Dieu qu’on peut comprendre que Dieu se soit fait homme. Aussi le Christ dit-il lui-même : « Personne ne vient à moi, sans que mon Père ne l’ait amené, • entendant par là qu’il n’appartient pas à la raison humaine de comprendre le mystère de Jésus-Christ, mais que ce ne peut être que le fait de l’inspiration de Dieu.

Blasphémer contre le Saint-Esprit, au contraire, c’est évidemment ra- baisser sciemment et dans un mauvais sentiment la bonté de Dieu, ou du Saint-Esprit ; c’est attribuer par envie à l’esprit malin les grâces qu’on sait dues au Saint-Esprit, c’est-à-dire à la bonté de Dieu, ainsi que taisaient les Pharisiens, lorsqu’ils cherchaient par envie à détourner du Christ la foule croyant aux miracles qu’elle voyait. Si Ton veut se rendre compte de ce péché, on verra qu’il est plus grave que celui auquel a succombé le diable. En effet, les Pharisiens, tout en croyant que le Christ n’était pas Dieu, ne pouvaient méconnaître, d’après sa vie et ses œuvres, que c’était un juste, et que ce qu’il faisait était fait par l’intercession du Saint-Esprit. Lors donc que, contre leur conscience, ils attribuaient à l’esprit malin ce qu’ils savaient être l’œuvre du Saint-Esprit, évidemment ils alléguaient mensougèrement que le Saint-Esprit était l’esprit malin. Mensonge bien plus coupable que l’orgueil du diable. Le diable, en effet, bien qu’il ait désiré se rendre sem- blable à Dieu et obtenir pour lui la puissance, ne se laisse jamais emporter cependant jusqu’à un tel blasphème, jusqu’à soutenir que Dieu est un démon. Le blasphème des uns n’est donc pas moins grand que l’orgueil des autres ; Que dis-je ? il est bien plus exécrable, et il ne mérite aucune espèce de pardon.

Nous ne disons pas, toutefois, que le repentir d’un tel péché, s’il y avait