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QUESTIONS DHÉLOlSE ET RÉPONSES DABÉLARD. 409

vivants, aux affligés la consolation ; à ceux qui ont soif et faim, l’assouvisse- ment, c’est-à-dire l’accomplissement de leur désir de posséder Dieu, puisque c’est par amour de Dieu qu’ils s’appliquent à la pratique de la justice et à la punition des méchants.

C’est ainsi que, dans les autres termes de la récompense promise, il y a, pour la désignation des diverses béatitudes, une heureuse propriété d’expres- sion. Dieu ne recommande pas tant de considérer l’ensemble des béatitudes qu’il n’avertit ceux qui veulent y prétendre de se rendre supérieurs dans quelqu’une d’entre elles. Quant à la plénitude de la perfection, c’est pour cela que Dieu déclare lui-même qu’il donne le Nouveau Testament, quand il dit : « Si votre justice n’est pas plus grande que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. »

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QUINZIÈME QUESTION d’HEXOIsB.

Que signifie ce que le Seigneur dit ensuite : t Ne croyez pas que je suis venu pour violer la Loi, » tandis que saint Jean dit : « les Juifs cherchaient à le tuer, parce que non-seulement il violait la loi du Sabbat, mais parce qu’il disait que Dieu était son Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu ?

Réponse (TAbélard.

Quand il a dit : « Je ne suis pas venu violer, et qu’il a ajouté : c mais accomplir,, » il s’est servi de termes positifs de prescription morale, non de termes figurés, comme il y en a dans la suite du discours ; et par ce mot d’accomplissement, il indique ce qu’il entend, en termes de prescription morale, par violer les commandements de la loi. Les prescriptions morales sont des règles de conduite positives, les prescriptions figuratives ne sont que des emblèmes. Les prescriptions morales comprennent ce que la loi naturelle ordonne à tous les hommes de faire, ce qui, antérieurement à toute règle écrite, est la règle nécessaire de la vie, ce que nul ne peut pas ne pas accomplir pour mériter d’être sauvé. Tels sont : aimer Dieu et son pro- cliain, ne pas tuer, ne pas commettre d’adultère, ne pas mentir, et toutes les autres choses semblables dont l’accomplissement est indispensable au salut. Les prescriptions figuratives sont les prescriptions qui, prises à la lettre, u’ajoutent par leur accomplissement aucun mérite, mais qui ont clé établies pour un temps, comme un signe de quelque mérite : telles l’observation du sabbat, la circoncision, l’abstinence de certains aliments, et autres choses de même nature.

Or, c’est aux prescriptions positives de la Loi qu’il faut rapporter ce que dit le Seigneur, qu’il n’est pas venu pour violer la Loi, mais pour l’accom- plir, c’est-à-dire non pas pour cesser de faire ce que la Loi contient de pres- criptions morales positives, mais pour suppléer par l’Évangile à ce qui manque dans les prescriptions morales de la Loi. En effet, la loi de Moïse