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QUESTIONS d’Héloïse ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 527

naisse, si l’on ne suit pas les vices de ses parents et qu’on honore Dieu, ou sera digne d’être honoré et sauvé. La semence de l’homme, d’où qu’elle vienne, est la créature de Dieu. Mal peut arriver à ceux qui en usent mal ; mais en elle-même, elle ne peut être un mal. Les fruits de l’adultère peu- vent être bons, sans qu’il puisse y avoir excuse pour l’adultère, tout comme les fruits d’une union légitime peuvent être mauvais, sans qu’il y ait faute dans l’union légitime. »

Et plus haut : « Il est des hommes si incontinents qu’ils ne ménagent pas leurs femmes, alors même qu’elles sont enceintes. Mais tout ce que des époux peuvent apporter dans le mariage d’immodeste, de peu chaste, de bas, est le vice des hommes, non la faute du mariage. Jusque dans les exigences immodérées que l’Apôtre ne prescrit point comme un comman- dement, mais qu’il accorde par indulgence, dans ces désirs auxquels l’idée de la génération est étrangère, même quand ce sont de mauvaises habi- tudes qui poussent à ce commerce, le mariage est encore une sauvegarde contre la fornication ou l’adultère. L’abus n’est pas admis comme but du mariage ; mais il est pardonné à cause du mariage. Ce n’est donc pas seulement en vue de la génération, qui est la base des sociétés humaines, que les époux se doivent l’un à l’autre le fidèle commerce de la chair, c’est aussi pour éviter les communes tentations des commerces illicites qu’ils sont tenus à une mutuelle condescendance ; l’un ne peut se vouer à la continence, sans le consentement et l’agrément de l’autre. Ce n’est pas la femme qui a pouvoir sur son propre corps, c’est son mari. De même ce n’est pas l’homme qui doit disposer de son propre corps, c’est la femme. Qu’ils ne se refusent pas l’un à l’autre ce qu’exigent, je ne dis pas les besoins de l.i génération, mais la faiblesse de la nature, l’inconti- nence même, s’ils ne veulent tomber dans les pièges que le démon ne manquera pas de tendre, soit à l’incontinence des deux, soit à celle de l’un des deux. Le commerce de la chair dans le mariage est sans péché. » Et ailleurs : a Payer le tribut du mariage est chose exempte de toute faute : exiger au delà des devoirs de la génération est faute vénielle, »

Le même, dans le premier livre de son traité du Mariage et de la Concupiscence, adressé au comte Valërien, écrit : « Qui oserait dire qu’un don de Dieu soit un péché ? L’âme et le corps et tous les biens de l’âme et du corps, qui existent naturellement pour les pécheurs comme pour tout le monde, sont des dons de Dieu, puisque c’est Dieu qui les a faits, et non eux. On a dit que parmi les choses qu’ils font, tout ce qui n’est pas suivant la foi est péché. Qu’on se garde de déclarer qu’il est honteux d’observer la fidé- lité du mariage non contracté en vue de Dieu. L’union des sexes en vue de la génération est le bien propre du mariage ; seulement, c’est mal user de ce bien de le chercher pour le plaisir de la chair, non pour le plaisir de la génération…. Celui qui possède son vase, c’est-à-dire son épouse, dans cette pensée, ne le possède pas assurément avec le mal du désir comme les peu-