Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/153

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de la cause des femmes son talent d’évocation poétique. Son Mérite des Femmes, conversation qui, entre sept nobles dames de Venise, se poursuit dans de délicieux vergers, sous le ciel éclatant ou la nuit étoilée, a les allures charmantes d’un décaméron. Mais le dialogue est digne d’une académie platonicienne, et il s’en dégage ces idées toutes modernes : « La supériorité de l’homme est acquise, non innée…, la femme n’est pas faite pour servir l’homme…, le mariage, mauvaise affaire pour la femme, qui perd sa liberté et gagne la domination d’un homme qui la dirige à sa fantaisie. » La révolte contre le joug marital se traduit parfois par des boutades très dures : « Avec notre dot, dit l’une, ne ferions-nous pas mieux d’acheter un porc qu’un mari ? » On sent déjà gronder l’esprit de haine qui fera, au dix-neuvième siècle, quelques-unes des émancipées si violemment hostiles à l’homme. Mais ce ne sont, après tout, que des boutades. Ce n’est pas par un appel à la révolte que se termine le Mérite des Dames, qui, les nobles Vénitiennes étant heureuses d’avoir établi par l’histoire profane et sacrée la supériorité féminine, finit comme il a commencé, au frémissement du vent dans les arbres accompagnant d’une douce musique des vers harmonieux.