Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/263

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combattu pour que la femme pût apporter au foyer plus de bien-être. Or, « en Suède, vers 1880, les féministes d’esprit luthérien, de mœurs austères, s’habillant de costumes masculinisés… prenaient des airs de congrégation protestante et déclaraient la guerre à l’amour[1] ». C’est contre ces vierges fortes qu’Ellen Key partit en guerre. « À ces féministes intransigeantes… elle rappela dans un beau cri le foyer, l’amour, la maternité. » Tel est l’objet d’une brochure qu’elle écrivit en 1895 : Faux Emploi des forces féminines. « Beaucoup de jeunes filles d’aujourd’hui, s’écrie-t-elle, s’intéressent exclusivement au travail extérieur à la maison. » Qu’elles l’obtiennent, le parti féministe triomphera. Mais lorsqu’elles auront emporté d’assaut toutes les carrières masculines, la belle avance vraiment ! S’imaginent-elles qu’elles pourront conserver leur rôle dans la famille ? « Ceux qui le croient, ceux qui croient que la femme pourrait pendant longtemps réserver toute la force de ses sentiments féminins pour les devoirs de la famille et en même temps acquérir toute la puissance productrice de l’homme…, ceux-là croient certainement à tout autre chose qu’à l’égalité des sexes. Ils croient à la supériorité de la femme. »

C’est dans cette espérance fallacieuse que la femme lâche trop souvent la proie pour l’ombre ; c’est-à-dire les joies du foyer pour une vaine indépendance. Oui certes, la femme doit réclamer le droit de s’instruire comme l’homme, le droit de participer comme lui à la confection des lois. Mais qu’elle se garde de prendre le moyen pour le but. La raison

  1. Louise Cruppi, Femmes écrivains d’aujourd’hui.