Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/73

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pour les juristes que « la condition de la femme est inférieure à celle de l’homme », un dogme que la femme doit être exclue des offices publics. Car son impuissance à se contenir (cette muliebris impotentia de Tacite), son impulsivité, si contraires à la grave impassibilité exigée par les Romains, la rendent impropre au conseil. C’est à peine si on lui reconnaît le droit de disposer de sa propre fortune. Et le sénatus-consulte velléien (vers 70 ap. J.-C.) lui interdit « de s’obliger pour autrui ». Si peu gênant que soit pour elle le lien de la tutelle, il n’en subsiste pas moins jusqu’à la fin de l’empire. C’est Théodose seulement qui affranchit les femmes de leur éternelle minorité.

Mais quelle distance entre la théorie et la pratique ! En fait, cette égalité qu’ont, dans le mariage, dans la famille, conquise à la fin de la république quelques privilégiées devient, sous l’empire, l’apanage de toutes les conditions. Dans l’aristocratie l’égalité va jusqu’à une liberté sentimentale réciproque. Et c’est, décrit en quelques vers de Juvénal, un vrai ménage parisien. « Il a été convenu, dit une femme à son mari qui lui reproche sa conduite légère, que chacun de nous ferait ce qu’il voudrait. Ne suis-je pas un être humain comme toi ? » Homo sum ! n’est-ce pas le cri de la femme révoltée qui repousse la loi de l’homme ? Une telle exclamation peut indigner le poète, valeureux champion dans ses vers d’un passé mort. La liberté ne fait pas de toutes les femmes des Messalines.

Combien de femmes furent en effet vraiment, noblement les égales de leurs maris ; ces stoïciennes, Arria, Helvidia, qui les exhortèrent à bien mourir,