Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/287

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ment, et aux cortèges solennels qui accompagnèrent la réintégration du Parlement dans son palais[1]. Une première fois, elles ont fait plier l’autorité royale et leur rôle au cours de cette journée des Tuile ; apparaît comme assez semblable à celui des Parisiennes au cours des journées des 5 et 6 octobre. Nulle considération matérielle n’était en jeu alors. Il ne s’agissait ni de pain, ni d’impôts. Le rôle des Grenobloises montre qu’il y a déjà chez les femmes du peuple un certain sens politique qui se manifestera en d’autres circonstances chez les Parisiennes.

Au début de janvier 1789, des troubles éclatent à Rennes, suscités par l’opposition de la noblesse bretonne au doublement du Tiers et au vote par tête. Les femmes s’armèrent pour le Tiers État et combattirent pendant les journées des 26 et 27 janvier 1789.

Pendant tout le cours du xviiie siècle, et particulièrement dans les dernières années de l’ancien régime, des femmes du peuple, aussi bien à Paris que dans différentes provinces, se livrèrent donc à des manifestations politiques collectives. Et l’on peut dire que ces manifestations annoncent et font comprendre celles de la Révolution.

D’autre part, nous trouvons au cours du xviiie siècle des femmes mêlées à un certain nombre d’affaires de caractère politique : complots, conspirations, intrigues avec l’étranger, rédaction ou diffusion de pamphlets. Les archives de la Bastille témoignent qu’à presque toutes les affaires importantes du règne de Louis XV des femmes furent mêlées. Les servantes de Mme de Staal de Launay, de Mlle Rondel et de l’abbé Brigault furent mêlées, comme leurs maîtres, à la conspiration de la duchesse du Maine. Deux femmes du peuple, Mariette et Suzanne Fiesque, furent également compromises dans l’affaire[2].

En 1751, la gouvernante du duc de Bourgogne trouva auprès du lit du jeune prince un paquet de papiers contenant des menaces et des diatribes contre le roi. Par qui avaient-ils été envoyés ? L’affaire resta mystérieuse, mais on découvrit que Mlle Sauvé, femme de chambre de Madame, au service du duc de Bourgogne, les avait elle-même placés là. Elle fut avec sa servante, la dame Mesnière, convaincue d’être sa complice, enfermée quelques années à la Bastille[3].

  1. Lasserre. Participation collective des femmes à la Révolution.
  2. Funck Brentano. Les Lettres de cachet.
  3. Ibid. et d’Argenson. Loc. cit.