Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/293

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leurs séducteurs, qui seraient obligés à faire une pension à leurs enfants[1]. »

C’est une solution de cette nature qui paraît également la meilleure au curé de la Borderie, auteur d’un très intéressant mémoire sur la question. Pour lui, ce n’est pas à multiplier les hôpitaux qu’il faut s’attacher, mais bien plutôt à faire que les citoyens n’en aient pas besoin. Et il propose que l’on donne aux mères six francs par mois à partir de leur troisième enfant et que l’on continue ce secours jusqu’à l’âge de sept ou huit ans[2]. Considérer la maternité comme une fonction sociale qui doit être rétribuée par la communauté, telle est déjà l’idée du curé de la Borderie.

Ni l’une ni l’autre de ces suggestions ne sont entendues. Répondant à Rossignol, qui avait fait siennes les suggestions de Lafont, Orry déclarait qu’il ne fallait pas engager les filles à appeler en justice les pères présumés de leurs enfants, crainte des extrémités auxquelles elles pourraient se livrer.

L’effort principal du gouvernement et des autorités provinciales a donc porté sur l’organisation d’hospices où puissent être recueillis les enfants abandonnés. À la veille de la Révolution, ces établissements existent à Paris et dans la plupart des villes de province.

À Paris, depuis qu’a été établi l’Hospice des enfants trouvés, constate Mercier, on n’enregistre presque plus d’infanticides.

Les hôpitaux de maintes villes de provinces, de Grenoble, de Tulle, de Bergerac[3], par exemple, contiennent des salles où sont recueillis les enfants abandonnés. Des nourrices sont entretenues aux frais de l’hôpital. Ailleurs, les enfants sont recueillis par l’administrateur de l’hôpital mais, de suite, envoyés chez des nourrices.

À la fin du xviiie siècle, le peuple des campagnes, des villes use largement des facilités qui lui sont accordées de faire entretenir ses enfants aux frais du Trésor. Si les infanticides deviennent moins nombreux, les abandons d’enfants se multiplient. M. du Barrai, conseiller au Parlement de Grenoble, directeur de l’Hôpital général, constate que, contrairement au devoir naturel, les pères et mères d’enfants légitimes se débarrassent trop volontiers de leurs enfants et que l’hôpital ne peut suffire faute de nourrices à leur entretien[4]. Un demi-siècle auparavant le contrôleur général Orry, constatant

  1. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 1324.
  2. Ibid.
  3. Arch. Départ., Dordogne, B. 1890-96.
  4. Arch. Départ., Isère, E. 77 et 78.