Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ainsi Voltaire, moins hardi, moins profond que Montesquieu ou Helvétius, constate l’infériorité présente des femmes sans se demander si elle a toujours existé, et il ne s’étonne ni ne s’indigne de leur assujettissement. « Il n’est pas étonnant, dit-il, qu’en tout pays, l’homme se soit rendu maître de la femme, tout étant fondé sur la force. »

Ne retire-t-il pas d’ailleurs aux femmes les facultés les plus précieuses ? ses bras ne sont pas assez forts pour se livrer aux travaux de la mécanique, de la charpente, de la maçonnerie, de la métallurgie, ni son esprit assez puissant pour faire jaillir ces inventions qui sont la source du progrès humain. « Il y a eu des femmes savantes comme il en fut de guerrières, mais il n’y a jamais eu d’inventrices ».[1]

Nettement inférieures, les femmes ont cependant les qualités capables de compenser, dans une certaine mesure, cette infériorité. Elles sont plus faibles, mais plus adroites et plus souples.

« Exclues de toutes les professions qui pervertissent la nature humaine et qui la rendent atroce, moins adonnées aux liqueurs fortes qui inspirent la férocité, elles sont moins méchantes que les hommes. Une preuve évidente, c’est que, sur 1 000 victimes de la justice, vous comptez à peine 4 femmes ».[2]

Plus douce, plus rapidement policée, ayant acquis avant l’homme l’esprit de société et d’agrément, elle semble faite pour adoucir les mœurs des hommes.

Dans ses articles du Dictionnaire philosophique qui ne sont pas de ses meilleurs, la psychologie de Voltaire apparaît comme assez banale et sa philosophie de l’histoire assez peu pénétrante.

Rien de plus pauvre que ce qu’il dit sur l’absence des facultés inventives chez les femmes. Car, et quelques-uns de ses contemporains l’ont montré, il est vraisemblable que la femme ait une part prépondérante dans les premières inventions.

Rien de moins juste non plus que la supériorité morale de la femme qui s’est montrée, comme l’homme, capable de férocités atroces et des crimes les plus monstrueux !

Heureusement là n’est pas toute la pensée de Voltaire. Dans l’épître dédicatoire d’Alzire, adressée à Mme  du Chatelet, il montre les femmes capables de s’élever aux plus hautes spéculations de la mathématique et de la philosophie. « Nous sommes au temps où,

  1. Ibid.
  2. Ibid. Homme.