Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/113

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balancent cette infériorité par un grand désir de s’instruire et elles se trouvent, tout comme les hommes, armées pour la lutte politique et les intrigues de la Cour.

L’existence d’une femme de la haute société, au xviiie siècle, apparaît singulièrement remplie. Les côtés les plus superficiels de la vie mondaine y tiennent une grande place ; à nulle époque, même aujourd’hui, suivre la mode ne fut une si grande affaire ; qu’il s’agisse de porter de vastes et encombrants paniers, comme au milieu du règne de Louis XV, que, comme vers 1780, au contraire, la mode soit à la simplicité et que, suivant en cela la tendance générale, on vise à se rapprocher de la nature, la mode est une reine exigeante et qui demande à celles qui veulent la suivre le sacrifice de tous leurs instants. Une époque exige le faste des étoffes brodées d’or et d’argent, les jupes et les corsages tailladées de falbalas, l’amoncellement des cerceaux dont l’assemblage est si compliqué que lorsqu’elles vont avant le départ pour la chasse saluer le roi leur père, les filles de Louis XV s’habillent seulement à moitié, posant par dessus de somptueux corps de drap d’argent ou d’or, une palatine qui dissimule le désordre matinal de leur toilette et les enveloppe de la tête aux pieds. Quelque simplicité, il est vrai, a été instaurée par Mme de Pompadour ; le portrait de Latour la montre vêtue d’une robe de soie brochée à grandes fleurs, large sans doute, mais d’une ampleur modérée, d’un corsage décolleté de même étoffe à grandes manches et garni de rubans mais de lignes très simples, harmonieuses et sans enchevêtrement de falbalas ; la coiffure est très basse et les cheveux légèrement rejetés en arrière dégagent le front. Mais les dernières années du règne de Louis XV et le début du règne de Louis XVI ramènent une fureur de recherches nouvelles. La complication se porte sur la coiffure dont, entre 1760 et 1780, l’édifice s’élève jusqu’à prendre des proportions fantastiques, les femmes dont, comme disait déjà Montesquieu, « la figure doit occuper le milieu de leur stature », sont obligées de s’agenouiller pour monter en voiture. Toutes veulent, à l’imitation de la jeune reine Marie Antoinette, se couvrir de plumes et de guirlandes[1]. C’est sur la haute société une vague de luxe plus puissante. Même lorsqu’après 1780 l’ajustement, fait de robes d’une étoffe légère, réunit « la légèreté, la fraîcheur, la décence et

  1. Mme Campan. Mémoires.