Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/123

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Champagne et de Barrois, la mère anoblit[1] et malgré les protestations que, depuis 1509, date de la rédaction des coutumes, la noblesse masculine ne cessa de formuler, de nombreux arrêts du Parlement consacrèrent ce privilège aux femmes nobles de ces provinces. Dans la famille de Jeanne d’Arc, également, « le ventre anoblit ». Héritière d’un duché pairie, une fille noble transmet à son mari le titre de duc et pair[2].

Celles de ces femmes nobles qui vivent à Paris et à la Cour, et que Rétif de la Bretonne, dans l’essai de classification qu’il essaie de faire des Parisiennes, appelle les femmes de la première qualité, sont, dit le romancier, « moins parisiennes que françaises et moins françaises qu’européennes ». La vie qu’elles mènent est, dit-il, non sans quelques exagérations, la vie que mènent les femmes de même rang dans toutes les cours d’Europe. Vie remplie par l’intrigue, l’étiquette, les cérémonies, « qui en font des êtres artificiels et pétris d’orgueil[3]. »

L’ambition de toutes ces femmes ou filles nobles est, comme celle de leurs frères ou de leur mari, d’avoir une charge à la Cour. Aussi les charges féminines, comme celles des hommes, augmentent-elles dans les proportions démesurées. Il ne se passe d’année sans que, dans la maison de la reine, de Mesdames filles ou Mesdames tantes, de la Dauphine ou des sœurs du roi, de nouvelles ne soient créées. Quand toutes les charges de dames d’honneur ou de dame d’atour sont remplies, vite on crée pour telle dame en faveur une place surnuméraire. En 1774, la reine Marie-Antoinette rétablit, pour son amie intime la princesse de Lamballe, la charge de surintendante de la maison de la reine restée longtemps sans titulaires. « Trop de femelles à la Cour », dit rudement le marquis d’Argenson. La formule revient souvent sous sa plume. « Versailles va être augmentée de femmes, dit-il encore, rien ne ressemble plus à un sérail, tant en chef qu’en suite. Les mœurs n’y sont point trop mauvaises… On n’y voit point le désordre de l’amour. Cette faculté si naturelle a passé en habitude ordinaire, se cache cependant et ne cause plus de mauvais effet à la Cour. Mais le grand article, c’est la dépense. Chacune de ces dames ainsi pourvues reçoit de grosses pensions ; les dames d’atour des princesses gagnent quatre vingt pour cent… On dit que leur café au lait avec un croissant à cha-

  1. Dictionnaire de jurisprudence.
  2. En 1667, des lettres patentes du roi donnèrent à Lafeuillade, qui avait épousé l’héritière du duché de Rouanais, le titre de duc et de pair.
  3. Rétif de la Bretonne. Les Parisiennes.