Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/129

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pour faire leur propagande, recueillir des adhésions et triompher. Ce sont les femmes en effet qui, pour la cause que leurs goûts ou leurs intérêts les a portées à choisir, déployaient le plus infatigable zèle et il n’est pas besoin de lire longuement les mémoires et souvenirs pour s’apercevoir que les contemporains tiennent, dans toutes les intrigues politiques, le concours de femmes pour essentiel. Sous la régence, c’est la duchesse du Maine qui est l’âme du parti hostile au régent ; c’est sur elle que comptent les inspirateurs du complot de Cellamare et le parti espagnol. Ne revenons pas sur ce fait bien connu et suivons avec d’Argenson, Barbier, de Luynes, le jeu des partis sous Louis XV.

Au cours du long ministère du cardinal de Fleury, impatiemment supporté à la Cour, les principaux leaders de l’opposition sont, au témoignage d’Argenson et de Barbier, deux femmes : la duchesse de Gontaut et Mme de Tencin. La première, d’une ravissante beauté, la plus belle de la Cour, d’un esprit endiablé et d’une activité fébrile, fit contre le cardinal une guerre de chansons et se laissa attribuer, faussement peut-être, toutes les épigrammes qui couraient contre le vieux ministre. Mme de Tencin est, elle, « la femme du royaume qui, dans sa politique, remuait le plus de monde à la ville et à la Cour[1]. Dans les dernières années du ministère de Fleury, les partis sont composés et répartis de la façon suivante : le parti Fleury et deux autres qui se disputent son héritage éventuel. Le centre du premier est Mlle de Charolais, tempérament d’intrigante peu scrupuleuse qui, « née dans le peuple, eût été voleuse, receleuse et bouquetière[2] ». Elle compte porter au ministère son amant, l’évêque de Rennes, et elle est soutenue par Mme de Mailly qu’elle rapproche du roi. Ce parti ne suit d’ailleurs aucune politique, si ce n’est celle de l’ambition personnelle.

Mme de Tencin, elle, est le leader du parti constitutionnaire[3] qui veut faire strictement appliquer la bulle Unigenitus. Autour d’elle se groupent « quantité de femmelettes se piquant de dévotion et d’ultramontanisme : Mmes d’Armagnac, de Villers, de Gontaud, de Saint-Florentin, de Mazarin[4] ».

Un peu plus tard, on escompte toujours la mort du cardinal et l’on se partage d’avance sa succession. Mme de Tencin travaille pour porter son frère au ministère ; elle groupe presque toutes les

  1. Marmontel. Loc. cit.
  2. D’Argenson. Loc. cit.
  3. Ibid.
  4. Ibid.