Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/135

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entendu celui de Mme  de Pompadour à Versailles et à Louvecienne, voilà un moment les centres principaux de ce parti choiseuliste qui fit figure de grand parti national. Le rapprochement avec l’Autriche, la conciliation avec les parlementaires et la lutte contre les jésuites, l’encouragement aux philosophes, telles furent les « directives » de ce parti qui s’imposa au roi, au pays, à l’opinion.

Il y a cependant un parti hostile à Choiseul qui groupe tous les ennemis du ministre, de sa sœur et de la marquise. Ce parti a son centre à Versailles, chez la reine et Mesdames de France. Celles-ci restent hostiles aux parlementaires, ennemies de l’esprit philosophique, amies malgré tout du clergé. Restant fidèles à la tradition ancienne rompue par le renversement des alliances, elles désapprouvent vivement le mariage autrichien. « Si j’avais des ordres à donner, aurait dit Mme  Adélaïde, lors des fiançailles du dauphin, ce ne serait pas pour envoyer chercher une Autrichienne[1]. » Il est curieux de voir sur les lèvres de la tante du roi la même épithète qui, plus tard dans la bouche des femmes du peuple, symbolisera toute leur haine pour Marie-Antoinette.

Les femmes qui avaient tant contribué à élever Choiseul contribuèrent largement à sa chute. Mme  du Barry qui ne songeait pas, elle, à faire de la politique, était restée neutre au milieu des cabales de cour et malgré les sollicitations qui lui venaient de tous les adversaires de Choiseul. Mais les femmes, qui avaient toujours eu trop de pouvoir sur Choiseul, lui imposèrent et prirent elles-mêmes une attitude hostile à la favorite. Les grandes dames s’étaient gendarmées déjà lorsque Mme  de Pompadour avait été nommée dame d’honneur de la reine. Leur indignation ne connut pas de bornes lorsqu’elles virent une fille du peuple maîtresse officielle du roi. Les femmes les plus en vue du parti refusèrent de lui présenter leurs hommages. « Les Choiseul firent à la maîtresse une guerre de chansons et de vaudevilles[2] » telle que l’avait faite Maurepas à Mme  de Pompadour, et sans plus de succès. Le roi s’irrita de voir « braver sa maîtresse jusque dans sa Cour[3] » et écouta les suggestions de Mme  du Barry, influencée elle-même par les ennemis de Choiseul. Finalement, Choiseul reçut sa lettre d’exil.

La comtesse de Grammont, les comtesses d’Egmont et de Brionne qui avaient, avec beaucoup d’autres femmes en vue, refusé d’aller présenter leurs hommages à Mme  du Barry, tombèrent dans une demi disgrâce.

  1. Mme  Campan. Mémoires.
  2. Carré. Le règne de Louis XV.
  3. Besenval. Mémoires.