Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/146

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aux yeux du monde qu’avec la marquise seule, il se trouve en confiance.

De fait, Mme  de Pompadour, entre les mains de qui le roi remet sa volonté, possède en effet toutes les attributions d’un premier ministre. Elle choisit les ministres ou du moins les fait choisir par Louis XV, les évinçant lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec sa ligne de conduite ou lorsqu’ils menacent de prendre assez d’influence pour la supplanter auprès du roi. Puisieulx, Saint-Contest, Bernis, Choiseul, tous les ministres des affaires étrangères pendant vingt ans sont appelés au pouvoir sur ses indications. Elle fait donner la marine et les sceaux à Machault, dispose de la maison du roi et du contrôle général. D’autre part, elle obtient le renvoi de ceux dont l’influence lui paraît gênante. Non seulement elle réussit à faire écarter de la Cour les candidats au premier ministère, comme le duc de Richelieu qu’elle fait reléguer dans son gouvernement du Languedoc, mais après une lutte de plusieurs années, elle réussit, nous l’avons vu, à faire exiler Maurepas. Un concurrent plus sérieux sur git en la personne du comte d’Argenson, qui aspire au ministère et semble quelque temps près de réussir. Le comte d’Argenson se démet en 1757. Machault, Bernis, qui sont les créatures de la marquise, disparaissent à leur tour lorsqu’ils apparaissent comme détachés de leur protectrice (c’est le cas de Machault après l’attentat de Damiens) ou lorsqu’ils prétendent suivre une politique personnelle qui ne cadre plus avec la sienne (c’est le cas de Bernis après nos premières défaites de la guerre de Sept Ans). C’est qu’en effet, Mme  de Pompadour apparaît non seulement comme choisissant ou déplaçant les ministres, ce que pourrait faire, ce que firent en fait d’autres favorites, mais comme subordonnant ces changements ministériels à une politique générale et assurant ou essayant de maintenir dans sa politique extérieure ou intérieure une continuité et une unité de vues et de direction qu’à d’autres époques un premier ministre ou un président du conseil se préoccupe d’assurer. C’est justement ici que nous devons nous demander si Mme  de Pompadour eut véritablement une politique personnelle et quelle fut son attitude en face des grandes questions qui se posèrent au cours de son gouvernement. Eut-elle une politique suivie répondant à une conception qu’elle se serait faite du pouvoir royal ou fut-elle seulement le jouet des événements et des partis ?

Il semble bien qu’en réalité Mme  de Pompadour ait eu réellement une politique personnelle. Sans la suivre dans le détail, ce qui serait refaire l’histoire du règne de Louis XV, contentons-nous d’en relever les principaux traits et, si possible, les idées directrices.