Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/155

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que coûte l’Autriche et qu’elle ne soit en effet responsable de nos revers.

Ces revers, d’ailleurs, peut-être les prit-elle bien plus à cœur que ne le veut la légende qui la montre passant dans un tourbillon de fêtes, indifférente aux malheurs de la France. Parcourons les lettres qu’elle aurait adressées au vaincu de Rosbach et au maréchal de Broglie après son succès de Corbach. Leur ton n’est certes pas celui d’une courtisane frivole qui joue à la guerre, figure sur les cartes les plans des armées avec des mouches et ne voit dans la politique qu’une distraction agréable.

Quoi qu’elle eut parfois l’occasion de s’apercevoir des résultats désastreux de sa politique, elle ne la continua pas moins jusqu’au bout.

Quelle fut son attitude vis-à-vis de l’Angleterre avec laquelle nous fûmes en guerre en même temps qu’avec la Prusse ? C’est un point plus mal connu et qu’il semble assez difficile d’élucider nettement. À en croire quelques contemporains, la marquise aurait eu, tout comme le roi son secret, et ce secret eut porté sur une certaine conception des rapports entre la France et l’Angleterre.

En 1755, le bruit se répandit à la Cour d’une correspondance secrète entre le roi Georges II et la marquise. S’agissait-il seulement, comme celle-ci le fit répandre pour sa justification, de l’envoi d’un portrait pour la collection formée par le roi Georges des plus jolies femmes de l’Europe, ou, ce qui est tout de même plus vraisemblable, de messages politiques échangés sous ce prétexte ? En tout cas, Mme de Pompadour fut soupçonnée d’être, avec son amie la maréchale de Mirepoix, le chef d’un parti anglais. Longtemps elle espéra éviter la guerre[1] et elle semble avoir poursuivi dans ce sens des négociations très actives à Londres pour essayer, après l’attentat de Boscawen, d’obtenir satisfaction pour la France sans faire de guerre. L’auteur de la correspondance imagine des lettres à M. de Mirepoix, ambassadeur à Londres, à Rouillé, ministre de la marine, pour qu’il obtint de Fox la restitution de nos vaisseaux, la montrant très vivement préoccupée de l’éventualité d’une rupture et « très inquiète sur le roi et sur la nation[2] ». Mais d’autre part, Mme de Pompadour et son parti auraient, nous l’avons vu, accueilli avec joie la nouvelle du traité entre la Prusse et l’Angleterre « parce qu’il semblait, en rendant impossible toute opération en

  1. Mme de Pompadour contribue à adoucir notre cause avec les Anglais (D’Argenson. Loc. cit.).
  2. Lettre à M. de Mirepoix, ambassadeur à Londres.