Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/174

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ii. Préoccupations politiques

À l’instar de la femme de Cour, la femme noble de province ne néglige pas de s’intéresser à la politique ; les occasions sont d’ailleurs bien moins fréquentes qu’à Paris. Mais les femmes des intendants ou des gouverneurs sont les auxiliaires les plus précieuses de leurs maris. Et leurs salons, comme à Paris ceux des femmes ou des maîtresses des ministres, tiennent parfois une place importante dans la vie politique locale.

C’est ainsi que la duchesse d’Aiguillon, femme du gouverneur de Bretagne, ministre sous le triumvirat, contribua, pour une large part, à amener à son mari des adhésions. « Peu sympathique, l’air hautain, préoccupé des attaques des Bretons, le duc n’attirerait personne sans la duchesse[1]. » Mais celle-ci, incomparable maîtresse de maison, fait de son château le rendez-vous d’une société élégante et lettrée et elle contribue, pour une très large part, à lui rallier une partie de l’opinion.

Une autre duchesse d’Aiguillon, belle-mère de la précédente, joua un rôle analogue en Guyenne. Nièce du duc de Richelieu, nommé en 1757 gouverneur de la Guyenne, elle tenait, à Bordeaux comme à Paris, un salon littéraire, recevant ici les philosophes qu’elle savait, nous le verrons, protéger efficacement, là les beaux esprits bordelais ; elle s’était acquis, dans la haute société, une popularité très grande. Elle mit cette popularité au service de son oncle qui, déconsidéré par ses exactions en Hanovre, en avait alors grandement besoin. Avant l’arrivée du duc, elle entreprit une habile campagne dans la société bordelaise, célébrant personnellement ses mérites, faisant chanter par de petits poètes la gloire du vainqueur de Port-Mahon. Grâce à elle, l’accueil réservé par Bordeaux à Richelieu, qu’on pouvait craindre froid, fut cordial[2].

La duchesse de Chaulnes, femme du prédécesseur de d’Aiguillon au gouvernement de Bretagne, intervint activement dans les querelles qui s’élevèrent entre le pouvoir central et la noblesse bretonne, à propos de l’application de l’impôt du vingtième. Le duc de Chaulnes étant une créature de Mme de Pompadour, sa femme soutint avec passion la politique de Machault ; et ses démê-

  1. Carré. Loc. cit.
  2. Grellet-Dumazeau. Le salon de Mme Duplessis et la société bordelaise au xviie siècle, Bordeaux, 1897.