Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/188

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Ce n’est donc pas à toutes les financières, mais à quelques-unes seulement, que doit s’appliquer le jugement sévère de Mercier. « Les filles de qualité sont souvent orgueilleuses…, mais elles ont de la noblesse… Les financières sont hautaines et dures, par instinct et par réflexion… elles ont des tons qui décèlent la suprême impertinence, l’impertinence raisonnée[1]. « Certaines sont en effet fort entichées de leurs qualités. C’est chez une financière, Mme  Penault, que Mme  Roland, encore Jeanne Phlipon, reçut cette humiliation qu’elle n’oublia jamais : être invitée et manger non à la table de la maîtresse de maison mais à l’office, avec les domestiques[2].

ii. Bourgeoisie parlementaire

Les femmes de parlementaires qui, elles aussi, bien que bourgeoises tendent à former une noblesse, sont bien plus intéressantes que les financières. Par leur intelligence, par l’éclat du luxe dont elles aiment s’environner, par l’intérêt, la part qu’elles prennent au mouvement politique, par leur affection pour les gens de lettres, elles ne le cèdent guère à leurs amies et rivales de la Cour.

Chez elles, au xviiie siècle, une curieuse évolution s’accomplit. Au siècle précédent, la famille du magistrat offre l’image de l’austérité et d’une calme décence. Sa femme reçoit dans sa salle ou dans sa chambre, elle dédaigne le luxe, porte peu de bijoux et ne fraye guère avec la noblesse. Au xviiie siècle, surtout à la fin, tous les magistrats ou presque tous sont anoblis, leurs femmes calquent leur vie sur celle de femmes de la Cour. « Les Conseillères de l’Élection du Châtelet, les Conseillères de la Cour Souveraine portent des diamants. Elles ne peuvent plus s’habiller seules ! Une femme de chambre leur est nécessaire… elles changent, comme les duchesses, trois ou quatre fois de toilettes par jour… Elles soupent en ville, rentrent à deux heures après minuit et donnent le matin des audiences en manteau de lit[3]. »

Cependant, à Paris, les femmes de parlementaires sont toujours, dans la recherche du luxe et l’éclat de leurs fêtes, distancées par les femmes de la Cour. Mais, en province, elles tiennent parfois le haut du pavé. Il en est ainsi dans les grandes villes parlementaires :

  1. Mercier. Loc. cit.
  2. Mme  Roland. Mémoires.
  3. Goncourt. Loc. cit.