Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/190

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d’Europe avec des cornues, des oiseaux des îles, un squelette et tout un musée conchyologique.

Le salon de la présidente du Bourg, à Toulouse, ne s’égaye ni de meubles modernes, ni de tableaux. Il conserve encore toute l’austérité des anciens âges ; la teinte générale est sobre et grise, les meubles carrés et sombres ; en pleine lumière, une vieille gravure allemande : le Supplice d’Anne du Bourg.

C’est, en effet, l’un des caractères de la femme du magistrat provincial et même parisien. Elégante, parée, elle conserve un fond d’austérité qui l’empêche de se livrer totalement à la dissipation du monde. La plupart du temps, les ménages parlementaires sont de bons ménages où le mari et la femme vivent unis, et se portent une tendre affection. Les lettres inédites de M. et Mme d’Allis[1], celui-ci conseiller au Parlement de Toulouse, montrent fort bien cette nuance fort délicate. Une liberté mutuelle très grande, pas trop de jalousie parce qu’on est sûr l’un de l’autre, mais un sincère et profond attachement, mieux, de l’amour encore malgré l’ancienneté des liens. Aux femmes de la Cour, si indulgentes aux faiblesses des leurs comme à leurs propres faiblesses, s’opposent durement ces femmes de parlementaires qui, souvent rigides et ennemies de tout amusement, sont capables d’exiger contre des fils ou des neveux coupables de s’abandonner sans réserve et un peu au détriment de leur fortune, au train du monde, des lettres du cachet[2].

C’est, par le caractère et les mœurs, de la femme de la noblesse provinciale, non de la femme de la Cour, que se rapproche la parlementaire.

Mais où la femme du parlementaire rejoint la femme de Cour, c’est par sa passion pour la politique. Dans ses salons, à Toulouse, à Bordeaux, à Grenoble ou à Rouen, aussi bien qu’à Paris, on discute non seulement littérature ou science économique, mais politique. Ministres, gouverneurs de province, intendants sont pesés et jugés. Qu’il s’agisse de la levée de nouveaux impôts, de la construction de routes, de questions religieuses ou simplement de décisions touchant à la politique générale, tous les actes du gouvernement central et des autorités locales sont passés au crible d’une critique peu indulgente mais souvent compétente.

  1. Cité par Vivie de Saint-Régis : Les femmes et la société de nos derniers parlementaires toulousains.
  2. Ibid.