Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/209

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l’ingéniosité, de l’ordre qui décuple les ressources, de la bonne humeur qui permet d’affronter avec plus de force la lutte quotidienne, arrivent, par leur esprit d’économie, leur allégresse, à accomplir la tache, à triompher des difficultés de la vie, à répandre du bonheur autour d’elles et, parfois, à élever leurs enfants de plusieurs degrés sur l’échelle sociale. Ces femmes diffèrent peu par l’esprit et le cœur de celles qui vivent aujourd’hui sur tous les coins de la terre de France. C’est bien à elles surtout que s’appliquent ces réflexions de Mercier voyant dans la bourgeoisie de France, devant laquelle il s’incline, l’armature véritable de la nation. « Les femmes, qui ne sont rien en politique, ont des notions admirables sur l’économie domestique ; elles réparent dans l’intérieur des maisons ce que la législation fait de mal au dehors. »

C’est grâce à elles, surtout, c’est grâce à leur action modeste, cachée mais persistante et d’une capitale importance, que se maintiennent dans leur intégrité les races et les nations. Rien de plus juste que cette vie de Mercier. C’est bien, en effet, la petite bourgeoisie qui, au xviiie siècle, représentait, la Révolution l’a montré, le plus riche réservoir de forces rénovatrices. Cette petite bourgeoisie, la femme a largement contribué à en former le cœur et l’esprit.

Dans la petite bourgeoisie, cependant, et moins encore que dans la bourgeoisie moyenne, le rôle des femmes n’est pas toujours restreint au foyer. La plupart des femmes de petits marchands collaborent à leurs affaires et sont pour eux, comme le dit Mercier des femmes de la moyenne bourgeoisie, de véritables associées.

« Les marchands sont, en province, dit l’historien qui a fait les enquêtes les plus complètes sur la vie provinciale, les auxiliaires les plus indispensables de leurs maris. À Orléans, les filles et femmes de marchands tiennent à tous les comptoirs, suivant, chiffrant, écrivant… À Rouen, les mères et les filles tiennent la correspondance. À Bordeaux, des maîtresses de tenue des livres instruisent des filles de négociants… Au Puy, les femmes dirigent la fabrication de la dentelle, elles sont choisies pour leur sagesse, parmi les filles de négociants de Lyon[1]. » À Paris, outre le peuple innombrable des employées qui, celles-là, appartiennent au peuple et non à la bourgeoisie, on peut dire que, ceci au témoignage de tous les contemporains, dans presque chaque boutique, qu’il s’agisse de celle de l’armurier ou de celle du confiseur, de débiter

  1. Babeau. Bourgeois d’autrefois.