Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/226

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occupe un très grand nombre. Les ouvrières éventaillistes se livrent à toutes les opérations nécessaires à la fabrication complète de l’éventail, préparation des papiers, collage des feuilles, peinture[1]. Enfin, on trouve des femmes dans les ateliers des fondeurs et des compositeurs d’imprimerie et les manufactures de papier ; particulièrement la fabrique royale de Montargis en employait beaucoup[2].

Quelques-uns de ces métiers touchent déjà à la grande industrie. Mais c’est surtout dans les industries textiles que, depuis l’époque de Colbert, où vraiment prit naissance en France une grande industrie particulièrement développée pour les étoffes de toute nature, les chefs d’industrie ont besoin d’un très nombreux personnel et commencent à faire appel à la main-d’œuvre féminine.

De tout temps les femmes ont été, chez elles, des fileuses de laine : au moyen-âge et au début de l’époque moderne, elles travaillaient à mille petits métiers dont la filature était la base. La corporation des filassières ou fileuses était l’une des grandes corporations féminines. À la fin du xviie et au xviiie siècles, la fileuse des villes se transforme en ouvrière d’usine, celle des campagnes la suit, ou du moins, au lieu de travailler pour elle-même, travaille pour le dehors. Cette évolution du travail féminin en annonce d’autres. Nous ne pouvons pas les suivre dans le détail. Essayons cependant d’en dégager les manifestations essentielles.

Les plus importantes des industries qu’ait développées ou créées Colbert sont, avec l’industrie de la draperie qui fleurit dans les villes picardes, l’industrie de la soierie, à Lyon, et l’industrie de la dentelle, en Normandie et en Auvergne.

Dans l’industrie de la soie, à Lyon, on trouve, dès la fin du xviie siècle, cinq à six mille femmes recrutées non seulement parmi les habitantes de la ville, mais parmi les jeunes filles des campagnes environnantes. Au cours du xviiie siècle, à côté du tissage de la soie, la filature est introduite et se développe dans toutes les régions environnantes. C’est à des maîtresses fileuses du Dauphiné, réputées pour leur habileté, que les Jubié, qui, en 1745, ouvrent un important établissement à Lyon, font appel pour organiser la filature[3]. Un nombreux personnel féminin est sous leurs ordres. Des statistiques dressées, au début du xixe siècle, montrent

  1. Ibid. Eventaillistes.
  2. Ibid. Papetier et planches.
  3. Ballot. Les origines de l’industrie textile Lyonnaise. Revue d’Histoire de Lyon, 1914.