Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/24

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Repoussant comme mensongère l’autorité, Poulain de la Barre ne va, pour réfuter ses adversaires, faire état que de la nature, de la raison, de l’observation des faits sociaux.

Le premier, il se pose la grande question : Les cerveaux de l’homme et celui de la femme sont-ils identiques ? Oui, répond notre cartésien, car « l’anatomie la plus exacte ne nous fait remarquer aucune différence dans cette partie entre les hommes et les femmes ». La différence des sexes se réduit au sexe. Elle n’existe que dans la mesure oit, elle est nécessaire au dessein de Dieu qui a voulu former des hommes par le concours de deux personnes. Mais l’esprit n’a pas de sexe. Tout esprit, féminin comme masculin, est susceptible par le secours des sens d’étudier la nature, donc de s’initier aux sciences. Pourvue du bon sens et de la logique qui lui permet de saisir l’enchaînement de ces diverses sciences, toute femme comme tout homme peut s’élever jusqu’à la science suprême : la métaphysique. Des sens justes, du bon sens, voilà les qualités générales qui rendent propre à toutes les sciences. Ce grand principe cartésien qui n’est évidemment pas entièrement juste, mais qu’au xviie et au xviiie siècles tant de génies ont vérifié, trouve donc en faveur des femmes son application. S’il suffit de qualités générales pour réussir dans toutes les sciences, les femmes comme les hommes en sont susceptibles.

La question qui se pose à propos des femmes est d’ailleurs plus vaste et plus haute. « Nous avons tous, hommes et femmes, dit Poulain de la Barre, également droit à la vérité puisque l’esprit est en tous également capable de la connaître. »

Voilà une parole singulièrement importante et qui confirme cette vue de certains historiens : Descartes, précurseur des philosophes, et, par conséquent, de la Révolution. Avec bien plus de force que ses prédécesseurs, Poulain de la Barre repousse cette distinction que juristes romains et théologiens catholiques faisaient entre l’esprit de l’homme, vigoureux et pondéré, et celui de la femme, faible et impulsif. Il réclame pour les deux sexes le droit à la vérité. Olympe de Gouges et Condorcet réclameront, pour les deux sexes, le droit à la vie politique ; les saints-simoniens, pour les deux sexes, le droit au bonheur. Développements de l’idée cartésienne dont Poulain de la Barre est, au point de vue féministe, le grand représentant.

Pour permettre aux femmes comme aux hommes de connaître la vérité, il est nécessaire de réformer leur éducation. Tel est l’objet de l’Éducation des Dames qui, écrite un peu après l’Égalité des Sexes, complète assez bien, sur ce point particulier, la pensée de l’auteur. De ce dialogue philosophique, platonicien d’allure, très cartésien de pensée et dédié à la Grande Mademoiselle, plusieurs idées importantes