Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/244

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paux rôles sont des « étoiles » qui mènent déjà la vie de fête perpétuelle, de luxe, de triomphes mondains qu’ont accoutumé de mener aujourd’hui les étoiles du ciel théâtral. Une Clairon, une Sophie Arnould, conquirent une éclatante célébrité et la durent presque autant à leur intelligence et à leurs aventures galantes qu’à leur talent.

Elles sont chantées par les poètes, célébrées dans leurs épîtres comme d’indispensables collaboratrices[1]. C’est parmi elles que les grands seigneurs, les ministres choisissent leurs maîtresses et, parfois, elles disposent ainsi que les femmes de la Cour, des places et des honneurs : tel fut le cas, par exemple, de Mlle Renard. Cette actrice de l’Opéra, maîtresse du prince de Montbarey, fit pendant quelques mois la pluie et le beau temps au ministère de la guerre et s’enrichit scandaleusement en vendant les grades et les honneurs. Grandes courtisanes et célèbres pour leur rôle dans la galanterie autant que par leur talent dramatique, les grandes actrices de l’Opéra ou de la Comédie ont pénétré parmi les classes dirigeantes et mènent à peu de chose près leur vie.

Il n’en est pas de même de la foule des chanteuses et des danseuses, des comédiennes qui doivent se contenter de plus humbles salaires et que les contemporains montrent économisant sur leurs vêtements et leurs chaussures. Celles-là, comme tant d’autres femmes qui exerçaient un métier, ne pouvaient vivre qu’en ayant recours à la générosité masculine. Brillante encore sur la scène, leur vie journalière est humble et modeste. Quelques chanteuses cependant furent, en raison de leur rareté[2] et pour cette raison, bien payées, purent vivre de leur seul talent et s’offrir le luxe d’une vie relativement honnête[3].

Enfin, les femmes sont communément directrices de spectacles. Les auteurs de la fin du xviiie siècle voient ce trait comme l’une des caractéristiques de leur époque.

Des femmes recrutent des troupes, montent des pièces et parcourent la France, organisant des tournées dans les grandes villes de province. La plus célèbre, la Montansier, fut comme un « ministre régnant sur le département des plaisirs provinciaux » [4].

  1. Marmontel : Mémoires.
  2. Mercier. Loc. cit.
  3. Ibid.
  4. Ibid.