Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/260

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surtout par l’imagerie populaire, où elle apparaît gracieuse, alerte, jolie et, telle la Madelon de la Grande Guerre, trinquant avec le mousquetaire, c’est bien à elle, plus qu’à aucune autre, que s’applique la description la plus flattée que Restif de la Bretonne fait de la femme du peuple.

Les nourrices enfin forment une catégorie de domestiques bien différentes de toutes les autres. Nourrissant chez eux les enfants des grandes familles ou qui ramènent à la campagne ceux de la petite bourgeoisie, elles sont en général mieux traitées et plus considérées que les autres domestiques.

Elles prennent une grande autorité dans la famille. Celles qui sont employées par les familles princières arrivent parfois à une situation importante, même à la Cour, et acquièrent sur les jeunes princes qu’elles ont élevés une véritable influence qu’fait d’elles des personnages puissants et sollicités. La nourrice du dauphin Louis disposa ainsi de places et d’emplois[1].

Le plus souvent, les nourrices n’exercent pas chez leur patron mais emmènent avec eux les enfants. Il en est ainsi dans la petite bourgeoisie où l’exiguïté des appartements ne permet pas de donner une chambre à la nourrice et où les conditions sanitaires paraissent défavorables.

Contrairement à l’avis de Rousseau, Mercier, constatant que la plupart des femmes de la bourgeoisie parisienne mettent leurs enfants en nourrice, les loue grandement de leur sagesse, « car, ni l’air vicié que l’on respire à Paris, ni l’agitation de la ville ne sont favorables au développement de jeunes organismes ».

Nombre de campagnardes trouvent, en nourrissant chez elles ou à la ville, un métier lucratif. Se rendant compte d’ailleurs de l’importance qu’il y avait pour la santé publique et le développement de la population à amener aux jeunes citadins des nourrices offrant des garanties de santé et de moralité, le gouvernement a placé les nourrices sous sa surveillance.

Les femmes qui font métier d’intermédiaires entre les citadins et les campagnardes et tiennent des bureaux de placement où ceux-là viennent chercher celles-ci, dites « recommanderesses », sont placées, par une ordonnance de 1715, sous la juridiction du lieutenant-général de police.

De 1715 à 1769, quatre bureaux de « recommanderesses » fonc-

  1. D’Argenson. Loc. cit. À côté de la nourrice en titre se trouvaient les remueuses, chargées de prendre l’enfant dans son berceau et de le lui passer. (Ibid.)