Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/270

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chaque généralité une maison de force pour les filles de mauvaise vie[1]. Cette maison, qui n’est souvent qu’une annexe de l’hôpital général[2], est également remplie par des rafles qui sont faites périodiquement, particulièrement dans les villes de garnison, où le mauvais état de santé des filles de joie est un danger public.

Les condamnations prononcées contre elles sont bien plus sévères qu’à Paris où la liberté des mœurs, une certaine indulgence et le culte du plaisir tempèrent la rigueur des anathèmes chrétiens. Les femmes de mauvaise vie peuvent être pendant trois mois au pain et à l’eau[3]. Elles peuvent être expulsées en masse par un simple arrêté municipal, comme cela se produisit à Gap, en 1770[4]. Elles peuvent être considérées comme des sans travail et être enfermées dans des dépôts de mendicité[5].

Elles sont passibles de peines corporelles cruelles ou infamantes. Là (Grenoble), elles sont passées par les verges[6]. Ici, elles sont exposées dans une cage de fer[7] ; à Orléans, il leur faut payer une taxe spéciale au bourreau[8].

Presque partout elles sont inscrites sur un « registre des filles du monde[9] » et soumises à une surveillance particulière.

Sans doute, à la fin du xviiie siècle, une tentative est-elle faite pour permettre aux filles qui veulent changer de vie de se relever.

En 1686, une Hollandaise, Mme de Combé, qui a été témoin du sincère repentir d’une fille publique, fonde, avec l’encouragement du roi, la communauté du Bon Pasteur, destinée aux filles repenties. Mais sitôt instituée, celle-ci se transforma en une véritable prison, à peine moins dure que la Salpétrière ou l’Hôpital. Les différents articles du règlement élabore en 1686 semblent traduire une divergence de vues entre la conception de la fondatrice, qui voulait entreprendre une œuvre de charité et de relèvement, et la rigueur administrative des organisateurs qui n’y virent qu’un nouvel instrument de répression.

« La maison sera douce », dit un article du règlement, timidement

  1. Arch. Départ., Côte-d’Or, C. 395.
  2. Par exemple à Limoges.
  3. Dictionnaire de jurisprudence : Filles.
  4. Arch. Comm., Gap. FF. 38.
  5. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 1196-97.
  6. Arch. Comm., Grenoble, BB. 121.
  7. Arch. Comm., Agen, FF. 52.
  8. Arch. Départ., Loiret, A. 1085.
  9. Arch. Départ., Gironde, C. 318.