Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/274

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se renouvellent plus fréquemment. La paysanne de Greuze apparaît avec son cotillon court, son corsage largement décolleté, le dégagé seyant de ses allures. Mieux, la mode des campagnes — et c’est la première fois que cela arrive — influe sur celle des villes. À la veille de la Révolution, les citadines éprises d’un retour à la simplicité mettent toute leur recherche à se vêtir en bergères.

La condition de la femme des campagnes est naturellement identique à celle de son mari. À la veille de la Révolution, de même que l’on trouve encore des serfs, on trouve encore des « femmes de corps », c’est-à-dire des serves, qui peuvent être vendues avec la terre dont elles dépendent. À vrai dire, c’est dans certaines régions bien déterminées qu’elles apparaissent, par exemple en certains cantons de la Lorraine[1]. À cette rare exception près, la femme comme l’homme est partout libre. Elle est comme lui soumise à toutes les redevances féodales pour les terres qu’elle possède de son propre chef ou qu’elle exploite elle-même si elle est veuve[2]. Droits de lods et vente, droit de champart, dîmes ecclésiastiques, corvées s’appliquent aux femmes comme aux hommes. Cependant les veuves ne sont, dans certaines provinces, assujetties qu’à une partie de la taille.

De même qu’à la ville, la femme veuve continue de gérer sous certaines conditions le fonds de commerce de son mari, de même à la campagne elle continue de mettre en valeur le domaine. Seule ou avec le concours de valets de ferme, elle semble assez bien réussir à le mettre en valeur, si nous en jugeons par les testaments d’un grand nombre de veuves que nous avons pu relever dans les archives de Bretagne et de Normandie. Dans certaines régions de Bretagne, il n’est pas rare de voir des veuves laisser trois vaches, une génisse, une jument, un poulain, outre des boisseaux de seigle et d’avoine et des quantités de foin[3]. Telle autre laisse un attirail de culture qui, avec ses meubles et son linge, représente une

  1. Les archives de plusieurs villages lorrains signalent des femmes de corps. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, B. 521-26. — Une femme de Fenestrange reçoit en autorisation de suivre son mari. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, B. 693.
  2. Information constatant que Jeanne Diraison, veuve Périnnes, et ses enfants, ont quitté le lieu de Quermodran-Isellof sans acquitter leurs redevances. Arch. Départ., Côtes-du-Nord, B. 218.
  3. Par exemple : Testament de Marie Jourdan. Arch. Départ., Finistère, B. 291.