Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/275

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valeur de 18 761 l. 18 sous[1]. Dans certains pays, particulièrement la Normandie, des veuves font à l’église des legs assez importants. Celles-ci lèguent une mine ou un minot de terre, celles-là un demi-arpent, d’autres une vigne, d’autres encore une rente de cinq livres, parfois une maison[2].

Un certain nombre de femmes, dans les campagnes comme à la ville et plus facilement encore, trouvent donc le moyen de subsister en dehors de l’homme.

À la campagne comme à la ville, la femme est souvent pour son mari une associée. Elle l’est en fait et elle l’est légalement. Elle a, la plupart du temps, apporté en dot des biens équivalents à ceux de son mari : une petite maison et un champ, tel est ordinairement l’apport des filles de laboureurs. Elles y ajoutent souvent du bétail, quelques instruments agricoles avec des vêtements et du linge en respectable quantité. Comme le mariage féodal est l’association de deux fiefs, de deux grands domaines, le mariage paysan est bien souvent l’association de deux lopins de terre d’égale importance et chacun des deux contractants apparaît comme ayant pratiquement des droits égaux. Dans un assez grand nombre de régions, dans le Comtat, en Bretagne, dans l’Angoumois, surtout dans l’Ile de France, l’exploitation des terres donne lieu à une véritable association entre le mari et la femme[3]. Ils sont le plus souvent qualifiés co-fermiers, de même que le seigneur et sa femme sont appelés co-seigneurs. La plupart des actes auxquels donne lieu la mise en valeur de leurs terres sont faits au nom des deux époux. Qu’ils s’agisse d’acquisition de terres, elle est faite conjointement pour l’homme et la femme, de même que la mise en fermage d’une partie de la propriété ; qu’il s’agisse de la signature de baux, elle est faite également par le mari et la femme ; qu’il s’agisse des assignations en justice, elles sont libellées au nom du mari et de la femme, co-fermiers et associés[4]. Il est d’ailleurs à remarquer que, si dans les régions où fleurissent des coutumes libérales comme la coutume de Paris, la coutume d’Auvergne, la coutume de Bretagne, la femme apparaît comme son associée, si même dans certaines provinces (vallées de Barèges, Auvergne), c’est parfois

  1. Sée. Loc. cit.
  2. Arch. Départ., Eure-et-Loir, série G., passim.
  3. Arch. Départ., Seine-et-Oise, passim (particulièrement E. 4224).
  4. Assignation aux conseils pour réparer une église, par Esprit Brunelle et Marie Cave sa femme, co-fermiers et associés (1724). Arch. Départ., Vaucluse, B. 3206.