Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/312

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palement occupée d’étourdir les visiteurs par un grand flux de paroles[1].

M. Colombier constate que sur les 200 hôpitaux dont la gestion est confiée directement aux religieuses, la plupart sont mal organisés, mal administrés et qu’en définitive on n’a pas à se louer de leur gestion. Ainsi, même lorsqu’elles exercent les deux missions pour lesquelles certains de leurs ordres ont été institués : éducation des pauvres, soin des malades, les religieuses apparaissent comme inférieures à leur tâche et justifient en partie les reproches des contemporains qui, exception faite pour les Sœurs grises, voient sur elles la partie la plus inutile de la population[2].

v. Décadence de l’esprit religieux

C’est que les ordres religieux féminins, comme les ordres religieux masculins, sont, à la fin du xviiie siècle, en pleine décadence. C’est que l’esprit de dévouement, de renoncement et de sacrifice commence à disparaître des ordres religieux féminins.

Y a-t-il encore au xviiie siècle de ces vocations religieuses ardentes qui précipitent irrésistiblement des âmes vers le cloître ? Quelques-unes, sans doute, et nous en trouvons parfois de curieux témoignages. Quelques titres conservés dans les papiers de famille montrent des novices confiant à leur famille leur joie d’être au couvent… En 1753, une jeune fille de la noblesse nivernaise, Augustine de Damas, fait part à sa mère, avec une exaltation véritable, de la joie et de l’impatience qu’elle éprouve en attendant la prise d’habit[3]. Sa lettre respire un véritable enthousiasme.

Mais de telles manifestations sont assez rares et la plupart du temps les vocations religieuses sont forcées.

C’est l’impossibilité de trouver un établissement honorable dans le monde, c’est la nécessité de réserver au fils toutes les ressources de la famille qui poussent la jeune fille au couvent. Bien souvent, on les enferme à un âge où elles n’ont pas eu le temps de réfléchir sur les obligations de leur vie nouvelle. Les prises de voile à quatorze ans ou quinze ans sont assez fréquentes[4].

C’est que « une jeune fille n’est pas plus tôt dans un couvent

  1. Arch. Départ., Somme, C. 1604.
  2. Mercier. Loc. cit. — D’Argenson. Loc. cit.
  3. Arch. Départ., Nièvre, E. 731.
  4. Bachaumont. Mémoires secrets.