Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/315

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dès le berceau, par le duc de Lorraine ou le roi de France, et n’eurent de ce fait aucune autorité.

Cette autorité c’est en réalité les officières, doyennes et secrètes, qui l’exercèrent en son nom, mais il n’apparaît pas qu’elles aient été davantage obéies. À la veille de la Révolution, les chanoinesses de Remiremont s’étaient en fait déliées du vœu d’obéissance comme des autres vœux. Les exemples fournis par d’autres ordres ne sont pas moins caractéristiques. Les abbayes bénédictines d’Autun et de Saint-Jean-le-Grand sont, au xviie et au xviiie siècle, le théâtre de luttes constantes entre les abbesses qui veulent à la fois rétablir leur autorité et la vie monastique et les religieuses qui ne veulent pas se décider à renoncer au plaisir du monde[1].

Les religieuses de l’abbaye de Loucharre avaient été pendant près de vingt ans (1667-1680) en révolte ouverte contre leur supérieure et la présence même de l’évêque n’avait pu calmer leur effervescence[2]. Au xviiie siècle, l’autorité des abbesses de Loucharre ne semble guère raffermie. Les abbayes normandes ne donnent pas de meilleurs exemples. À Almenèches, à Essay, nombreuses sont les supérieures qui ont à lutter contre l’esprit remuant et turbulent des sœurs[3]. Le couvent de Saint-Laurent-de-Comminges était de même le théâtre de luttes acharnées entre le despotisme de la supérieure et l’esprit factieux des religieuses[4]. Sans doute, les sœurs sont-elles, malgré tout, encore attachées à leur cloître ; lorsqu’en 1790, les couvents furent dissous, un grand nombre de religieuses protestèrent. Les religieuses Annonciades de Paris déclaraient qu’elles « ne pouvaient entendre sans frémir la proposition de quitter l’état ecclésiastique[5] ».

Les vingt et une dames et les douze sœurs converses qui subsistent à l’abbaye de Almenèches, en 1790, manifestent unanimement le désir de rester dans leur couvent[6]. Les Carmélites supplient, dans une touchante adresse, l’Assemblée nationale de les laisser mourir en paix dans la retraite qu’elles ont choisie[7]. Un certain nombre de communautés provinciales imitent cette attitude (Béné-

  1. Arch. Départ., Saône-et-Loire, H. 1173.
  2. Ibid.
  3. Arch. Départ., Orne, H. passim.
  4. Arch. Nation., C. XIX, 1.
  5. Tuetey. Sources manuscrites de l’histoire de Paris. N° 4693.
  6. Arch. Départ., Orne, H.
  7. Adresse des Carmélites à l’Assemblée nationale (1789). Cette adresse est signée par les prieures des quatre couvents de Paris.