Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dre la doctrine ; Mme Le Blanc l’Étang qui, au cours de la guerre de Succession d’Espagne, avait été investie d’une mission diplomatique en Hollande par Louis XIV, et d’autres moins célèbres comme Mlle de Metz, Mme de Meslay[1], qui manifestèrent leur zèle par la profondeur de leurs études théologiques. Mais la plupart des femmes qui « défendent la vérité » appartiennent en majorité, comme les anciennes religieuses de Port-Royal, à la bourgeoisie parlementaire, à la moyenne et la petite bourgeoisie. Mlle Cassard, qui mourut privée des sacrements, en 1738, était une fille d’un procureur du Parlement de Rennes[2]. La présidente d’Aigrefeuille, Mme de Borda, veuve du lieutenant général de Dax, Mlle Tartarin, fille d’un avocat près le Parlement de Paris, se signalèrent par leur zèle pour la cause et leur refus d’accepter à leur lit de mort la Constitution. Assez nombreuses sont celles qui, comme elles, sont filles de magistrats ou d’avocats. D’autres sont veuves ou filles de marchands bonnetiers ou drapiers. Et elles paraissent composer la grande majorité des appelantes.

Comme le montrent plusieurs faits caractéristiques, la doctrine des jansénistes, sans doute à cause de la forme grossièrement mystique que lui avaient donnée les convulsionnaires, commençait à pénétrer dans le peuple. On voit parmi les illustres appelantes figurer de simples paysannes : Claudette Guérin, servante d’un curé de Langres ; Françoise Sivot, paysanne de Joigny ; Mlle de Paradoux, paysanne des Flandres. Parmi les convulsionnaires arrêtées et détenues à la Bastille figurent un très grand nombre de servantes qui, seules ou accompagnant leurs maîtresses, courent les assemblées clandestines, des ouvrières couturières, des lingères, des maîtresses d’écoles[3]. Il est vraisemblable que pour celles-ci les subtilités théologiques d’où venait tout le différend entre le catholicisme et le jansénisme restaient lettre morte ; bien rares devaient être celles qui, comme la fileuse de Troyes que nous cite Babeau[4], auraient été capables d’embarrasser le curé au milieu du prône par des objections appuyées sur l’autorité des pères de l’Église. Il est plus vraisemblable qu’elles subirent sans trop raisonner l’influence des curés jansénistes et que la doctrine de l’Augustinus, comme le catholicisme lui-même, fut chez elles une foi naïve et exempte de raisonnement. Elles s’y attachèrent d’autant

  1. Nécrologie et Funck Brentano, Loc. cit.
  2. Nécrologie des défenseurs de la vérité.
  3. Funck Brentano. Loc. cit. ; Grimm. Correspondance, janvier 1761.
  4. Loc. cit.