Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/336

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rissantes. Les écrivains qui ont étudié avec le plus de détail le développement de la Franc-Maçonnerie en France ne nous signalent que deux loges d’adoption provinciales : Besançon (loge de la Sincérité) qui, en 1778, comptait vingt-quatre maîtresses conseillères ou compagnonnes, toutes de l’aristocratie ; la loge de la Parfaite Amitié, de Toulouse, où, en 1786, se réunissent quinze femmes de l’aristocratie parlementaire et de la noblesse d’épée[1]. En 1780, il s’était fondé à Confolens une loge, celle de la Parfaite Union, qui groupait l’élite féminine de la bourgeoisie et de la noblesse[2]. Partout ailleurs, la Franc-Maçonnerie reste exclusivement masculine.

Quoi qu’aient pu dire les historiens hostiles à la Franc-Maçonnerie, il ne semble pas que les loges d’adoption aient eu un rôle politique où y aient visé le moins du monde. Il est à présumer que la plupart d’entre elles entrèrent dans les loges plus par snobisme que par conviction et que les principes de fraternité et d’entr’aide qui étaient à l’ordre du jour dans la Maçonnerie répondirent à la sensibilité humanitaire qui, à la veille de la Révolution, était au cœur de tant de femmes. Leur action se borne à l’exercice de la charité. « Les réunions où elles assistaient, dit un historien pourtant peu favorable à la Maçonnerie, étaient toujours des fêtes, précédées de travaux pour les réceptions et les œuvres de bienfaisance[3]. On seconde les familles dans la misère, on délivre des prisonniers pour dettes, on paye des mois de nourrice aux enfants des familles nécessiteuses. Nulle assemblée qui ne commence ou ne se termine par une quête… » Les sœurs maçonnes n’étaient donc pas des femmes politiques. Mais elles étaient sensibles aux misères des pauvres, désireuses sans doute d’en amener la fin. Et leur enthousiasme explique et prépare celui que bon nombre de femmes de l’aristocratie manifesteront, aux premières jours de la Révolution, pour la régénération du peuple français.

  1. Bord. La Franc-Maçonnerie, Paris, 1908.
  2. Cf. Babaud-Lacroze. Pages confolentaises, cité par la Révolution Française, juillet-septembre 1922.
  3. Bournand. Histoire de la Franc-Maçonnerie.