Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/373

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possesseur d’une terre à clocher, de soi-même ou du chef de sa femme, siège aux États. En Bourgogne, tous les nobles possédant fiefs furent à l’origine membres des États de Bourgogne, et les femmes possédant fiefs apportèrent naturellement le droit de siéger à leur mari.

Dans le Languedoc, non seulement les femmes purent apporter à leurs maris le droit de siéger aux assemblées électorales, mais elles purent hériter du titre de baron des États qui, considéré comme une charge lucrative, fut compté dans leur héritage, même lorsqu’elles avaient un frère, et non attribué à celui-ci seul[1]. En Dauphiné, en Bretagne, la possession de la terre noble donne également aux femmes un droit électoral.

Au début de l’époque moderne, les femmes usèrent réellement de leurs droits. Elles figurent aux États provinciaux de Franche-Comté, au xvie siècle, de Bretagne, au xviie siècle, dont Mme de Sévigné, qui y assiste, nous donne de curieuses descriptions[2].

Mais une évolution se produit qui prive, peu à peu, les femmes de l’exercice direct de leurs droits électoraux. En Bourgogne, à partir de 1680, le droit de session aux assemblées passe, comme une charge héréditaire, dans certaines familles, et les femmes n’ont plus aucun droit ni direct, ni indirect. En Bretagne, où se produit une évolution inverse, et où, loin de restreindre le droit de session aux États provinciaux, on l’élargit (il suffit d’être noble pour y assister, même sans fief, et les États, composés de milliers de gentilshommes, ressemblent aux dietes de Pologne)[3], les femmes, malgré la faculté qui leur est laissée de siéger, comme les hommes, aux États, semblent user de moins en moins de cette faculté. Elles délaissent les États Généraux comme, à la même époque, les femmes du peuple délaissent les assemblées de village. Mais les femmes, lorsqu’elles y paraissent, peuvent y être nommées commissaires tout comme les hommes. En 1754, la duchesse d’Aiguillon fut commissaire, concurremment avec son mari, et l’assemblée trouve la chose naturelle[4].

Le Languedoc et le Dauphiné adoptèrent, eux, le principe de la représentation indirecte. Dans le Languedoc, les femmes nobles

  1. Laferrière. Ibid.
  2. Cf. Ses lettres sur les Etats de 1671, 73, 75, 79, 85, 91, 95, 99.
  3. Carré. La noblesse de France.
  4. « La province (de Bretagne) assemblée en État, est très contente de ses commissaires, principalement du duc et de la duchesse d’Aiguillon, » D’Argenson. Loc. cit.