Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/421

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ce dont elle a besoin pour exercer sa mission d’épouse et de mère. Tout le reste est superflu. « Croyez-moi, mères vertueuses, s’écrie-t-il, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme et soyez sûre qu’il vaudra pour elle et pour vous ! [1] »

Sans doute, Rousseau qui voit dans la femme, la compagne, et dans la mère, l’éducatrice de la première enfance, ne veut-il pas vouer la jeune fille à l’ignorance absolue. « Au contraire, elle doit apprendre beaucoup de choses, mais seulement ce qu’il lui convient de savoir[2]. »

Or, ce qu’il convient de savoir est, quoi qu’il en dise, peu de choses. Le premier devoir de la jeune fille est d’être robuste et saine, « pour que les hommes qui naîtront d’elle soient robustes aussi » [3]. Rousseau envisage donc, pour Sophie, une éducation physique assez développée.

La mission première de la femme est de plaire ; l’éducation doit cultiver chez elle le goût des arts nécessaires à la parure : « couture, broderie, dentelle, dessin ». Ce n’est que plus tard qu’elle apprendra à lire, lorsque d’abord on lui en aura fait comprendre l’utilité.

Comme le demandait déjà Fénelon, Rousseau donne à Sophie une solide éducation ménagère. « Non seulement Sophie se plaît à tous les travaux de l’aiguille, taille et coud ses robes, mais elle s’est appliquée à tous les détails du ménage, elle entend la cuisine et l’office, elle sait le prix des denrées, elle en connaît les qualités, elle sait fort bien tenir les comptes ; elle sert de maître-d’hôtel à sa mère !… En gouvernant la maison paternelle, elle apprend à gouverner la sienne…[4] »

Quant au bagage intellectuel, il est fort mince. À vrai dire, Rousseau ne trace à Sophie aucun programme d’études ou même de lectures. Celle-ci, même, est jugée superflue, car « son savoir, comme celui d’Émile, ne s’est pas formé par la lecture, mais uniquement par les conversations de son père et de sa mère, par ses propres réflexions, par les quelques observations qu’elle a faites dans le peu de monde qu’elle a vu » [5].

Ce n’est pas seulement, en effet, les études théologiques que

  1. Émile (Œuvres complètes).
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Ibid.