Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/433

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tion. L’homme est le chef de la société, non la femme. Celle-ci est comme son assesseur, dont il doit respecter la qualité et les lumières, prendre et suivre les conseils[1]. »

La voix de quelques femmes même fait écho à celle de l’homme. Mme  de Lambert, Mme  du Moutier recommandent à l’épouse la docilité et la complaisance envers son époux.

« Le mariage est le temps où le règne des hommes commence et où notre règne finit », écrit à sa fille Mme  du Moutier. Mais le ton de leur conseil aux jeunes épouses montre qu’elles constatent des faits plus qu’elles ne prescrivent des obligations et que, si les femmes doivent obéir à la loi de l’homme, cette obéissance, plus feinte que réelle, doit assurer leur indépendance, voire leur domination.

Nombreuses sont d’ailleurs les voix qui s’élèvent pour réclamer l’égalité des époux. L’une des dernières Lettres persanes contient un vibrant plaidoyer en faveur de l’indépendance féminine, indépendance qui, pour son auteur, doit aller jusqu’à la conservation, dans le mariage même, d’une absolue liberté sentimentale. « Comment as-tu pu penser, s’écrie au moment de mourir, Roxane, que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices, que pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d’affliger mes désirs ? J’ai toujours été libre, j’ai réformé mes lois sur celles de la nature et mon esprit s’est toujours tenu dans l’indépendance. » Roxane est, sous les voiles persans, une Française du xviiie siècle, et Montesquieu, qui trouve juste que les pères imposent aux filles le choix de leur époux, ne refuse pas aux femmes mariées contre leur gré ces compensations qu’en fait, d’ailleurs, toute femme du monde, ou presque, s’accordait.

Voltaire voit, dans l’obéissance des femmes à leurs maris, inscrite dans la loi, une de ces injustices ridicules dont fourmille l’ordre social. « N’est-ce pas assez, s’écrie Mme  de Grancey, interprète du philosophe, n’est-ce pas assez qu’un homme, après m’avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle, sans qu’on vienne me dire encore : obéissez ? Certes, la nature ne l’a pas dit[2]. »

Et Voltaire, comme Montesquieu, de revendiquer pour la femme, non seulement l’indépendance, mais une complète liberté sentimentale.

« Nulle raison, dit-il, que l’adultère, permis aux hommes par les mœurs et presque par les lois, soit puni chez la femme, comme une

  1. Gamalogie.
  2. Facéties parisiennes (Œuvres complètes). Édition de 1883-8.5, conforme à l’éd, Beuchot.