Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/46

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ii. La séparation

Sans doute la loi qui n’admet pas le divorce admet du moins la séparation de corps. Mais ce n’est pas sans difficultés que la femme peut demander cette séparation.

Les motifs admis par la loi pour justifier de la part de la femme une demande en séparation de corps sont en effet strictement délimités. Deux seulement sont, en dehors de toute jurisprudence, pleinement valables :

1° Les mauvais traitements. Mais encore faut-il bien s’entendre sur le sens de ce terme. Il faut des sévices graves qui menacent sa vie ou l’impossibilité, si elle est malade, de trouver auprès de son mari le repos nécessaire à son rétablissement pour que ce motif puisse être invoqué par l’épouse ;

2° La diffamation. Un mari qui aurait, par ses diffamations, compromis sa femme dans l’opinion publique, qui, par de faux rapports, aurait obtenu des pouvoirs publics une lettre de cachet en vertu de laquelle son épouse aurait été séquestrée, peut voir sa femme exercer valablement contre lui une action de séparation.

Mais ni les infirmités, ni les maladies du mari, quelque graves ou contagieuses qu’elles soient, n’autorisent la femme à exercer cette action. Ou si elle le fait, elle risque grandement de se voir déboutée. Au xviiie siècle déjà, une grave question s’est posée, celle des maladies vénériennes dont, dès lors, la diffusion constituait un terrible péril social. Une femme unie à un mari qui lui a dissimulé une maladie vénérienne contractée avant le mariage ou qui, depuis l’a contractée, est-elle en droit, pour ce motif de demander une séparation ? Les jurisconsultes ne sont pas d’accord sur ce point. Beaucoup d’entre eux s’indignent qu’une femme puisse être exposée sans défense à l’atroce contagion et seraient près d’admettre parmi les injures graves justifiant la demande en séparation, l’imprudence coupable du mari.

Mais nulle jurisprudence certaine, et la solution d’un tel cas est toujours laissée à la conscience des magistrats.

En, somme la femme n’a de recours certains contre son mari que s’il attente volontairement à sa vie ou à sa liberté.

S’il n’est pas question de divorce pour les catholiques, pour qui la loi civile applique et sanctionne la loi religieuse, la question peut se poser pour les non catholiques qui, eux, vivent au dehors de la loi de l’Église.

Pour les protestants, ils sont, disent les jurisconsultes, chrétiens