Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/472

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de l’instruction professionnelle des femmes. La question s’est posée déjà depuis quelques années, mais il s’en faut que l’on soit généralement convaincu de son importance. Seuls les cahiers du chapitre de Carrouges (diocèse de Séez) et de la ville d’Angoulême demandent l’établissement d’écoles de filatures qui donneront aux femmes la possibilité d’exercer un métier rémunérateur. Le Tiers-État de la même ville d’Angoulême et le Tiers-État de Paris suggèrent, eux, que le développement du travail à domicile serait le meilleur moyen d’empêcher la mendicité. Le Tiers de Paris prévoit même une véritable organisation d’ateliers nationaux. Dans chaque quartier, dans chaque ville, il sera, réclame-t-il, ouvert des ateliers publics pour tout sexe et tout âge. Ces ateliers seraient, autant qu’on peut le conjecturer d’après les fort succinctes indications qu’en donne la motion du Tiers, à la fois des établissements de commerce chargés de la vente des produits, et de grandes entreprises de travail à domicile. À toute personne domiciliée dans le ressort de l’atelier, le chef d’atelier serait tenu de fournir des travaux à exécuter chez elle[1]. Le cahier du Tiers-État de Paris est le seul qui prévoie une organisation aussi large et aussi générale du travail féminin.

Plus fréquemment, on envisage des sortes de béguinages où les femmes à qui leurs parents n’ont pas laissé de fortune pourraient vivre en exécutant des travaux de broderie. Les établissements des communautés religieuses seraient tout indiqués pour servir d’asile à ces filles pauvres. La noblesse de Riom, celle de Béziers demandent des établissements particuliers pour les filles pauvres de leur ordre. Mais elles les envisagent plutôt comme des chapitres nobles que comme des maisons de travail.

Si quelques hommes éclairés veulent supprimer la misère féminine par l’établissement de nouveaux métiers, certains protestent pour des raisons diverses contre l’intrusion des femmes dans certaines professions, et l’égoïsme masculin ne perd pas ses droits.

C’est ainsi que l’on voit les traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers de Troyes s’élever contre la concurrence déloyale, à leur avis, que leur font les « femmes appelées cuisinières ou pâtissières » qui s’avisent de préparer, au mépris des droits des maîtres-rôtisseurs, les repas de noce et demander qu’elles ne puissent exercer à moins de s’être fait recevoir dans leur communauté[2].

  1. Cahier général du Tiers-État de la ville de Paris (Chassin. Cahiers de Paris, tome III).
  2. Cahier des traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers de Troyes.