Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/473

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D’autres veulent, sinon interdire aux femmes la profession théâtrale, du moins les empêcher d’y avoir trop facilement accès. Le cahier du Tiers-État de la commune de Passy se plaint « qu’une jeune fille puisse abandonner ses parents dès qu’un directeur de théâtre la réclame », et demande que l’on restreigne cette liberté attentatoire aux mœurs.

Les corporations féminines ne purent faire entendre directement leurs plaintes et, en général, elles ne le cherchèrent même pas. À Paris, cependant, deux communautés féminines, celle des marchandes de mode et celle des bouquetières, fleuristes et chapelières en fleurs, rédigèrent, en bonne et due forme, leur cahier et s’efforcèrent de le faire accepter par le bureau de la ville, puis, n’y pouvant parvenir, l’adressèrent directement à Necker[1].

Les cahiers contiennent des revendications d’ordre strictement professionnel.

Après avoir protesté discrètement contre la décision du roi, qui établissait à Paris la représentation du Tiers-État par quartier et non par corps, lèse une communauté « qui, payant annuellement au roi une somme considérable, pouvait espérer être représentée », les marchandes de mode[2] se montrent soucieuses de défendre leur intérêt contre la concurrence intérieure et extérieure.

Les maîtresses entendent réserver à elles et à leur famille le privilège de la maîtrise et elles demandent que les droits d’accès à la maîtrise, de 500 francs pour les filles de marchands, soient portés pour les autres à 700 francs.

D’autre part, elles désirent que l’on interdise aux marchandes à la toilette ou revendeuses sans maîtrise l’accès des différents lieux privilégiés (le Temple, parvis de Saint-Martin des Champs et de Saint-Gervais des Champs, de Saint-Jean de Latran, de Saint-Denis de la Châtre), où la vente à meilleur marché leur fait (ainsi que celle des salles de vente et des monts-de-piété dont elles demandent aussi l’abolition) une désastreuse concurrence[3].

Le point de vue des bouquetières fleuristes et chapelières en fleurs est analogue. Mais son accent est plus touchant, car il émane

  1. Chassin. Les cahiers de Paris, tome II.
  2. Représentées par Jeanne Campeau, et les femmes Cabalin et Jourdan, rédactrices de leurs cahiers.
  3. Cahier des marchands de modes.