Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/479

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mais dont le thème a été fourni aux auteurs par des idées ambiantes, et la meilleure preuve en est que les brochures les moins sérieuses contiennent, parmi des revendications grotesques, des passages entiers évidemment empruntés à des brochures vraiment féministes où s’affirment les aspirations les plus justes et les plus raisonnables[1].

Sans les considérer toutes comme émanant directement de féministes, il faut du moins en faire état parce qu’elles nous permettent de connaître quelques-unes des théories qui furent émises alors.

C’est un véritable corps de doctrines féministes qui, d’après ces brochures, apparaît alors constitué. Directement, ou par ses avocats masculins, la femme réclame l’égalité la plus complète dans le domaine familial, civil, économique, social, politique.

La réforme du mariage apparaît comme l’une de ces aspirations les plus générales et l’une de celles dont la réalisation doit contribuer le plus à délier la femme de l’esclavage.

L’indissolubilité du mariage et son corollaire, la toute puissance que la loi accorde au mari sur la femme, apparaissent aux auteurs anonymes des Griefs et plaintes des femmes mal mariées et des Mémoires sur le divorce, comme le dernier vestige du despotisme incompatible avec le rétablissement de la liberté dont jouissent tous les Français. Sur le corps et sur les biens de sa femme, le mari n’a-t-il pas en effet toute la puissance de l’ancien seigneur féodal sur le corps et les biens de son serf ? Il faut donc faire tomber ces

  1. L’exemple le plus remarquable de cette « contamination » entre les revendications féministes, le pamphlet anti-féministe et l’écrit grivois, est la requête des femmes pour leur admission aux États généraux, à MM. les composant l’Assemblée des Notables (s. l. n. d.). Bibliothèque nationale, L. DL. 39/(579.

    La protestation des dames contre la tenue des États prétendus généraux (Paris, 1789. Bibliothèque nationale, L. D. 39/1011), est une pure facétie dont les attaques contre les ordres privilégiés forment le fond.

    La protestation des filles du Palais-Royal (L. B. 39/1075) est un pamphlet contre la noblesse, ainsi que l’Arrêté des dames composant la vraie noblesse de Brest (L. D, 33 /1017), manifestation d’hostilité contre l’esprit réactionnaire des nobles bretons.

    L’avis aux dames (L.D. 39/604) et la Protestation de l’ordre le plus nombreux de France, celui des C… (L. B. 39/1827), sont des pamphlets anti-féministes, auxquels répond sur le même ton la Réponse des femmes (L. D. 39/1828).

    Au contraire, les Remontrances des femmes (L. B. 39/003), la Lettre d’une citoyenne à son amie (L. B. 39/1540), la Requête des dames pour leur admission aux États Généraux, sont très sérieuses.