Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/480

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chaînes, digne de la barbarie, et « rendre aux femmes la liberté honnête dont tout être pensant est si jaloux ».

La première et la plus nécessaire des dispositions du nouveau droit conjugal doit être d’établir que « toute femme majeure jouisse et dispose de son bien comme bon lui semble sans avoir de compte à rendre à son mari »[1].

Proposition curieuse, hardie et fort en avance sur les revendications féministes, non seulement de l’époque, mais même du siècle suivant.

Il faut, non seulement libérer les biens de la femme, mais sa personne, en brisant les chaînes de l’indissolubilité.

Le divorce est unanimement demandé par tous ceux qui ont voulu une réforme du mariage. Sans doute, la religion catholique s’y oppose-t-elle. Ce n’est qu’en vertu d’une fausse interprétation du dogme, puisque l’Église a donné à ses ministres le pouvoir de lier et délier, que le mariage n’est pas un véritable sacrement et que, d’ailleurs, l’Église catholique a permis le divorce et l’autorise encore en Pologne.

Ce sont les femmes surtout qui doivent bénéficier d’une telle loi, car ce sont elles surtout qui souffrirent des mariages mal assortis ; elles presque seules qui furent blessées par les entraves de la loi. Cependant, il faut, tout en rendant leur liberté aux femmes, prendre garde que la facilité trop grande du divorce n’amène la dissolution de la famille.

Aussi doit-on ne l’autoriser qu’à bon escient. Il ne serait prononcé, propose l’un des projets, qu’après six démarches successives faites à un mois d’intervalle par les époux auprès du maire de leur commune[2].

Ni la mort civile du mari, ni son expatriation, ni la démence même ne devraient être, déclare le comte d’Autraignes, un cas de divorce. Et il faudrait, juge-t-il, l’interdire formellement quand il y aurait des enfants[3].

Toutes les fois que les cours de justice auraient prononcé la séparation de corps et de biens, dit encore le marquis de Villette, l’Église prononcera le divorce. Mais une même personne ne pourra divorcer qu’une seule fois. En proposant ces dispositions, les partisans du divorce répondent par avance à l’objection principale de leurs adversaires : le divorce est funeste à l’esprit familial. Au

  1. Motion sur le divorce. Bibliothèque nationale, R. Z., 3481-86.
  2. Griefs et plaintes sur les femmes mal mariées.
  3. Observations sur le divorce, par le comte d’Antraigues.