Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/481

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contraire, ils attendent, eux, du divorce, le relèvement de la femme et la rénovation des mœurs.

Avec la loi nouvelle, la femme aura un recours contre la brutalité de son mari ou contre l’infidélité qu’elle devait naguère souffrir sans se plaindre. Brisées pour elle ces grilles, ces verrous, finie cette captivité perpétuelle, ces prisons religieuses où, en cas de séparation, on la relègue, et qui sont dignes du despotisme oriental[1].

En recouvrant sa dignité d’être libre, la femme perdra « cet esprit d’intrigues qui la pousse à tout gouverner, à tout conduire, à mettre en profit les faiblesses que les hommes ont pour elles en dispensant les places, les grâces, les faveurs, les dignités ». Elle abdiquera, en un mot, ce despotisme qui « n’est qu’une révolte contre les lois qui sont mauvaises » [2], et l’homme trouvera enfin de vraies compagnes, aimantes et dévouées.

La conscience, chez chacun des conjoints, qu’ils n’ont pas abdiqué irrémédiablement leur liberté, les rendra l’un et l’autre plus conciliant. Il y aura moins de mauvais ménages, moins d’adultères et de débauches. Et les ménages étant plus unis, les enfants seront plus nombreux. « Le divorce, écrit l’anonyme auteur des Plaintes des femmes mal mariées, doublera la population ». Et sans aller aussi loin, le comte d’Autraigues et le marquis de Villette pensent qu’en effet la loi du divorce augmentera le nombre des mariages féconds et que l’État y gagnera autant que les individus. Ces points de vue, qui contiennent, avec des vérités évidentes, une grande part de généreuses illusions, sont ceux mêmes qu’avaient développés, au xviiie siècle, les partisans du divorce dont les idées ont inspiré directement nos réformateurs.

Considérant plus encore l’intérêt individuel de la femme que l’intérêt social, tel réformateur va jusqu’à revendiquer pour elle, mariée ou non, une liberté sans limites et le droit plein et entier de disposer de soi-même sans que la loi civile, ou le préjugé social, puisse en aucune manière le restreindre.

« Toute fille majeure, toute femme séparée qui donne atteinte à son honnêteté personnelle en souffrant qu’un homme l’entretienne, n’a que Dieu pour juge », écrit l’abbé Fauchet. Avec lui, quelques réformateurs songent sérieusement à relever les prostituées. Le marquis de Villette veut que l’on vienne au secours d’un sexe que les lois établies par nos pères semblent abandonner à sa

  1. Griefs et plaintes, etc…
  2. Mémoire sur le divorce.