Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/489

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l’opinion. Quelques femmes offrent des moyens de la résoudre. Elles voient les unes et les autres le salut moins dans une refonte des lois fiscales, dont les effets ne sauraient être immédiats, que dans les sacrifices consentis à la chose publique par tous les citoyens. Dès la fin de 1788, Olympe de Gouges expose son projet d’une Caisse patriotique où chaque citoyen, chaque citoyenne apporterait son offrande et que symbolise, sur le frontispice de la brochure qu’elle fit tirer alors, un coffre largement ouvert où des évêques, des parlementaires, des ouvrières versent leurs économies. Pour défendre son projet de contribution volontaire, elle spécule avec assez de finesse sur la vanité : « les forts de la halle, les servantes seraient heureux de voir, sur les listes de souscription, leurs noms figurer à côté de celui des princes ». Et ils se priveraient volontiers, celui-là de quelques stations au cabaret, celle-ci de quelques colifichets pour cette satisfaction d’orgueil.

Olympe de Gouges peut donc se vanter à bon droit d’avoir lancé la première l’idée de la contribution patriotique, qu’on essaie quelques mois plus tard de réaliser. Quelques femmes mêmes ont, dès le mois d’août 1789, prêché d’exemple. La femme d’un artiste jouissant alors d’une certaine notoriété, Mme  Moitte, réunit ses amies, comme elle femmes d’artistes ou d’orfèvres (parmi elles Mme  Vien, Mme  David, Mme  Vernet) et leur persuada de « former une caisse uniquement destinée à recevoir les dons en bijoux et en espèces pour former un fond qui serait invariablement employé à l’acquittement de la dette publique »[1]. Réunissant leurs bijoux et une certaine somme d’argent, elles allèrent elles-mêmes vêtues de blanc, « décemment et proprement coiffées, ornées d’une cocarde patriotique », remettre leur offrande à l’Assemblée nationale, où elles furent chaudement remerciées par le président[2].

Quelques jours après, Mme  Rigal convoque à Paris ses amies, des femmes artistes et orfèvres, et leur propose en exemple ce beau geste des femmes artistes de Versailles. Elle réunit, elle aussi, argent et bijoux et les envoie à l’Assemblée[3].

Depuis lors, les contributions patriotiques féminines se multiplièrent. Elles furent particulièrement nombreuses et importantes, aux heures de péril national.

  1. Les généreuses Françaises. Paris, 1789.
  2. Arch. parl., tome IX.
  3. Discours prononcé par Mme  Rigal dans une assemblée de femmes artistes et orfèvres.