Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/55

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La théorie la plus fréquemment admise est la suivante : « Si la femme ne peut s’obliger sans le consentement de son mari, elle peut faire son testament sans l’autorisation de son mari, car cet acte ne doit avoir son effet qu’à un moment où la femme cesse d’être sous la puissance maritale. » Cette théorie ne répond à la pratique que dans une partie de la France. Dans les pays de droit écrit, et dans le ressort du Parlement de Paris, la femme peut en effet tester sans l’autorisation de son mari. Mais il n’en est pas de même dans un assez grand nombre de provinces où le droit coutumier en décide tout autrement. Les coutumes du Nivernais, du Bourbonnais, de Bourgogne, de Normandie, de Bretagne, de Bar-le-Duc, de Lille, de Douai, de Clermont-en-Argonne, d’Épinal spécifient que le testament de la femme n’est pas valable si elle n’a été, pour cet acte, comme pour tout autre qui engageait ses biens de son vivant, autorisée par le mari[1]. Elle peut d’ailleurs suppléer à cette autorisation si le mari est absent, empêché ou mineur ou simplement, s’il la lui refuse, par l’autorisation du juge.

Mais une coutume, celle de Hainaut, apparaît comme encore plus rigoureuse. L’article 20 du chapitre 32 de cette coutume stipule en effet que « la femme liée de mari » ne peut faire de testament, nonobstant que par contrat de mariage elle ait retenu la puissance de disposer de moitié ou de telle autre somme limitée. Ce cas excepté la femme, même autorisée de son mari, n’a pas le droit de faire son testament, ceci de peur que le mari n’abuse de son autorité pour la contraindre en sa faveur. C’est donc une disposition analogue à celle du Velléien et qui, comme le Velléien lui-même, est destinée à protéger la femme contre l’excès de l’autorité maritale et repose, comme le Velléien, sur une conception particulière de la faiblesse du sexe.

Il est donc de toute évidence que les coutumes, qui accordent au mari le plus d’autorité sur les biens de la femme et qui, par contre-partie naturelle, prennent le plus de précautions pour protéger de son vivant ou après sa mort les biens de la femme contre les empiétements de son mari, sont imbus d’un esprit violemment antiféministe.

Parmi ces coutumes, quelques-unes montrent, en pleine vigueur jusqu’à la veille de la Révolution française, tout le mépris du sexe faible que comportèrent d’une part la législation romaine, d’autre part la coutume germanique devenue loi féodale. Telle la coutume de Normandie reconnaissant au mari pouvoir absolu sur la femme

  1. Encyclopédie : art. Femme.