Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/59

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vation des armes et de la famille dans notre noblesse », disait Charles IX, interdisait aux mères de succéder à leurs enfants. Les Parlements du Midi, où la coutume contraire prévalait, refusaient ; malgré les ordonnances royales renouvelées en 1629 par Richelieu, d’enregistrer l’édit de Saint-Maur. Il resta cependant appliqué dans les pays coutumiers jusqu’en 1729, date où une ordonnance de Louis XV l’abolit définitivement.

vi. Condition de la jeune fille

En dehors de l’état de mariage, la jeune fille est-elle du moins l’égale de l’homme ? Sans doute la jeune fille majeure est-elle jugée aussi capable que l’homme et peut-elle librement disposer de sa fortune personnelle, aliéner, vendre, acheter, ester en justice, engager toute action[1]. De ce point de vue, l’égalité est complète. Mais d’une part la femme, par ce que femme, est soumise, jeune fille comme veuve, à des lois d’exception ; et d’autre part les régimes successoraux sont loin de la faire pour le partage du patrimoine familial, l’égale de ses frères.

Le souci légitime d’empêcher le dépeuplement, la crainte que la jeune fille pauvre, lorsqu’elle est séduite, ne fasse disparaître son enfant, ont conduit les législateurs à faire peser sur la femme en état de grossesse une surveillance vexatoire. Un édit de Henri II, en date de 1556, décide que la femme doit, aussitôt qu’elle a constaté sa grossesse, en faire la déclaration aux officiers royaux. Si elle a dissimulé son état et que son enfant meure sans avoir reçu le baptême, elle est passible de la peine de mort. De nombreuses ordonnances royales rappellent aux curés qu’ils doivent lire périodiquement au prône, de façon que nulle ne les ignore, les dispositions de cette loi[2].

Le magistrat qui reçoit la déclaration de grossesse[3] ne peut, il est vrai, exiger le nom du père ; mais l’obligation n’en reste pas moins rigoureuse et, au xviiie siècle encore, des exemples assez fréquents le rappellent aux intéressés.

La rigueur des lois s’est, il est vrai, adoucie et la peine de mort qui, en cas de dissimulation de grossesse suivie du décès de l’enfant

  1. Guy Coquille. Loc.cit.
  2. En 1708, en 1731, pareille injonction est faite à tous les curés du royaume.
  3. À Paris, le commissaire de police ; dans le reste du royaume, le juge du présidial.