Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/70

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la lecture de ces ouvrages à elle seule, à défaut de l’étude objective du sujet, donnerait une idée de sa difficulté et de l’impossibilité presqu’absolue où nous nous trouvons de porter la lumière sur toutes ses parties. Il semble cependant que, d’une part, en utilisant d’une manière plus complète qu’on ne l’a fait jusqu’ici et non pour l’étude d’un seul département ou d’une seule région, mais dans un travail d’ensemble portant sur toute la France, les archives départementales, en recueillant, d’autre part, les indications éparses qui se trouvent dans les si nombreux mémoires du xviiie siècle et dont les uns nous donnent des lueurs sur la grande bourgeoisie ou la noblesse, d’autres sur la petite bourgeoisie des campagnes, on pourrait du moins essayer une synthèse. Ce chapitre en montrera les possibilités et en même temps les difficultés.

Le xviie siècle lègue au xviiie siècle son idéal d’éducation féminine. Et cet idéal, deux pédagogues de premier ordre, l’un théoricien seulement, l’autre qui eut le mérite de faire passer ses théories dans la pratique, l’ont formulé avec une parfaite netteté.

Sans doute, bien que Molière ne soit pas l’ennemi déclaré de l’éducation des filles, ses critiques contre le pédantisme féminin, mal interprétées, avaient créé dans une certaine partie de la bourgeoisie un état d’esprit hostile à l’instruction des jeunes filles. De cet état d’esprit, Mme Geoffrin, dont la famille était en effet de moyenne bourgeoisie, donna le témoignage. Sa grand’mère, pourtant femme d’esprit, n’avait reçu elle-même qu’une instruction très élémentaire et elle était d’avis que non seulement il n’est pas bon pour une femme de faire parade de sa science, mais qu’elle doit apprendre fort peu[1]. Quelques notions élémentaires, la pratique et son génie intuitif feront le reste et la mettront en

    Mme de Genlis, Mme Campan). M. Gréard a étudié l’Enseignement secondaire des jeunes filles où il se préoccupe de passer en revue les théories sur le genre d’instruction qui convient aux femmes et de noter l’enchaînement des divers systèmes successivement en vigueur, plutôt que de donner des faits et de montrer l’état exact de l’enseignement secondaire aux diverses époques. L’abbé Allain a fait une très courte, mais substantielle étude sur l’Enseignement primaire avant 1789 où l’on trouve quelques bonnes indications sur l’enseignement des filles. M. de Beaurepaire a consacré une intéressante monographie à l’instruction primaire dans le diocèse de Rouen avant 1789. Enfin, M. Fagniez a étudié, dans un article de la Revue des Deux Mondes (janvier 1909), La femme dans la société française au xviie siècle. Dans le Dictionnaire de pédagogie, de Ferdinand Buisson, dans les articles relatifs aux provinces et aux départements, on trouve de fort intéressantes indications. Malheureusement, ces articles étudient l’enseignement en général plutôt que l’enseignement des filles.

  1. Sainte-Beuve. Madame Geoffrin.